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Associés pour le meilleur et parfois le pire

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Le chef d'entreprise se retrouve souvent seul face à ses décisions. Pour améliorer leur efficacité, certains choisissent d'associer leurs compétences, leurs idées et leurs caractères. Un mode d'organisation qui présente des atouts et des faiblesses. Témoignages.

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Créer et développer une entreprise est éprouvant, que ce soit sur les plans financier, émotionnel ou même physique... D'où le credo des quatre associés dirigeants de LDE (Librairies de l'éducation) à Strasbourg, une entreprise spécialisée dans la distribution de livres scolaires: l'union fait la force. «Aucun de nous ne se serait lancé seul: associer nos compétences a facilité le démarrage de la société», reconnaît a posteriori Daniel Francou, responsable administratif et financier. Autre avantage non négligeable: l'association simplifie la gestion au quotidien. «Souvent, quand un dirigeant s'en va provisoirement, son entreprise fonctionne au ralenti. Mais en association, on s'épaule, on se soutient...» Daniel Francou en sait quelque chose, lui qui, un été, a dû s'absenter durant deux longs mois: «Monposte et mes responsabilités ont naturellement été pris en charge par mes associés.»

Daniel Francou, Pierre Schmitt, Frédéric Fritsch et Michel Hussherr ont décidé d'associer leurs compétences pour fonder LDE, une entreprise spécialisée dans la distribution de livres scolaires.

Daniel Francou, Pierre Schmitt, Frédéric Fritsch et Michel Hussherr ont décidé d'associer leurs compétences pour fonder LDE, une entreprise spécialisée dans la distribution de livres scolaires.

Le quatuor partage aussi les prises de décision. «Statistiquement, on a rarement raison tout seul», explique le directeur général, Frédéric Fritsch, dont l'avis n'est jamais dominant malgré sa position hiérarchique. Ce mode de fonctionnement favorise la réflexion et stimule la créativité, mais les discussions prennent parfois du temps. Un inconvénient que Frédéric Fritsch tente de corriger: depuis l'année dernière, toutes les semaines, le directeur général s'entretient en tête-à-tête avec chaque associé. Un échange bilatéral qui permet de filtrer les sujets cruciaux, impliquant une décision collective en réunion de direction, et ceux moins importants, tranchés immédiatement par les deux associés présents. «La mise en place de ces réunions bilatérales n'a pas été évidente, car il n'existait aucun contrôle formel auparavant et nous sommes tous des chefs d'entreprise, attachés à notre indépendance d'esprit et à notre autonomie», confie Frédéric Fritsch.

Confronter ses idées. Chez Webin terpret, une PMI niçoise d'interprétariat, les deux fondateurs - actionnaires de référence - prennent ensemble les décisions importantes. Les trois autres associés sont consultés sur les questions relevant de leurs compétences. «La tension peut monter lorsque nous ne sommes pas d'accord sur un sujet. Les problèmes d'ego créent parfois des conflits, reconnaît le président, Patrick Smarzynski. Il faut alors savoir s'expliquer sincèrement, faire des compromis, prendre son temps et, surtout, bannir la rancune.» Son binôme avec le directeur général, Benjamin Cohen, fonctionne depuis 2007. Ingénieurs de formation, ils se sont rencontrés en 3e cycle à l'EM Lyon. Ils se sont retrouvés quelques années plus tard et ont collaboré durant deux ans, chacun dans son entreprise, avant de se lancer dans la création de Webinterpret. «Nous avons la même ambition. L'association permet d'aller plus vite et plus loin», estime Patrick Smarzynski, qui, autrefois, a fondé seul une société de services informatiques. A plusieurs, la charge est répartie et chacun se concentre sur sa spécialité. Les associés améliorent, dans la confrontation, leur vision de l'entreprise. «Etre deux, sur un pied d'égalité, permet de comparer ses idées. Les salariés, eux, sont moins enclins à donner leur avis.» Au-delà de cette émulation intellectuelle, chacun des deux amis sait qu'il peut compter sur l'autre en cas de «coup de fatigue». «Comme dans un sprint, nous sommes tout le temps au maximum, car nous nous passons le relais, ce qui permet de lisser les hauts et les bas de chacun», confie Patrick Smarzynski. Enfin, les deux dirigeants redoublent d'ambition. Ils ont, ainsi, rapidement passé l'étape de l'international: lancé en septembre dernier en France, le service a été étendu, depuis, à l'Angleterre, l'Allemagne et l'Espagne.

Ainsi, l'association peut apporter une aide précieuse dans les périodes difficiles. C'est ce qu'ont expérimenté Kamil Benjelloun, Lamia Laraqui et Halé Kpetigo, les trois fondateurs de Seal, un éditeur de logiciels. Entre 2000 et 2002, en pleine crise de l'Internet, le business de leur jeune entreprise a chuté de plus de 30%. «Nous avons dû nous serrer la ceinture pendant deux ans. Etre à plusieurs nous a permis dépasser ce cap plus sereinement», commente, avec le recul, Kamil Benjelloun. Aujourd'hui, les trois amis et associés apprécient de partager aussi leur succès. Créé en 1998, Seal est le fruit de leur envie irrépressible de créer ensemble une entreprise après un an d'expérience professionnelle.

BENJAMIN COHEN ET PATRICK SMARZYNSKI, directeur général et président Webinterpret

En cas de désaccord, il est important de savoir s'expliquer sincèrement, de faire des compromis et, surtout, de bannir la rancune.

Prendre des précautions. Pourtant, l'amitié ne met pas à l'abri des tensions. Guilhem Bertholet en a fait l'amère expérience. En 2003, au sortir de ses études, le jeune homme fonde un organisme de cours particuliers à domicile avec un ami connu sur les bancs de l'école. Mais l'aventure tourne vite court: leurs profils sont trop proches. Dans l'euphorie de la création, les associés n'ont pas pris le temps d'envisager l'avenir ni de se répartir clairement les tâches. «Nous nous marchions sur les pieds, nous mettions beaucoup trop de temps à prendre des décisions», analyse Guilhem Bertholet. Un manque de réactivité qui paralysera l'avancement de certains projets et finira par nuire à l'ambiance de la petite société. «Même si nous essayions de ne pas avoir de voix discordante devant les salariés, ils ressentaient des tensions.» Les deux associés finiront par se séparer «en assez mauvais termes». Nullement échaudé, Guilhem Bertholet a tiré les leçons de ses erreurs: depuis, il a créé deux autres entreprises, toutes deux en association. Prudent, il a fait appel à un conseil juridique et établi un pacte d'associés, indispensable en cas de désaccord. Aujourd'hui responsable de l'incubateur HEC Paris, il prodigue ses conseils aux jeunes créateurs d'entreprise: ne pas surestimer l'amitié, envisager la sortie, passer un accord écrit, etc. Pour que la gestion d'une société à plusieurs reste un accélérateur de business, et non de problèmes.

A LIRE

CREATION D'ENTREPRISE: BIEN CHOISIR SON ASSOCIE
Par Xavier Cazard, Stéphane Villey, Aurore Dohy, Editions Vuibert, 2007, 186 pages, 12 euros.

 

 

Xavier Cazard (à droite) gère, avec Stéphane Villey, Entrecom, une agence de communication.

Xavier Cazard (à droite) gère, avec Stéphane Villey, Entrecom, une agence de communication.

L'OEIL DU CONSULTANT

C'est quand les relations sont au beau fixe qu'il faut songer au pire


XAVIER CAZARD, cogérant d'Entrecom et coauteur de Création d'entreprise: bien choisir son associé


Pour Xavier Cazard, les associations entre dirigeants vont se multiplier dans les années à venir: «Nous évoluons aujourd'hui dans des univers de plus en plus spécialisés et difficiles à appréhender seul.» Pourtant, il connaît les travers de ces associations, dont il compare le fonctionnement à celui d'un couple: «Au départ, tout est formidable. Les associés concentrent leur énergie sur le projet. Puis arrivent l'agacement et l'ennui. A ce moment-là, il faut être capable de passer à l'âge de la maturité: dire ouvertement ce qui ne va pas et, surtout, trouver des solutions de manière concertée.»
Pour le dirigeant, clarifier l'organisation dès le départ est essentiel: savoir qui est le leader, pourquoi, fixer les règles de représentation, de communication, déterminer les domaines réservés de chacun... Lui-même dirige une agence de communication en association avec un ancien journaliste, Stéphane Villey. En 2007, à la suite d'un désaccord, il décide de déménager son bureau pour s'installer, avec son équipe, dans d'autres locaux. «Cela nous a permis de prendre du recul.» Un an plus tard, en meilleurs termes, les deux partenaires retrouvent leur proximité géographique. Mais ils ont beaucoup appris de cette mésaventure. «C'est quand les relations sont au beau fixe qu'il faut anticiper le pire», souligne Xavier Cazard. Pour cela, il préconise d'établir un pacte d'associés (pour une SARL) ou d'actionnaires (pour une SA). «Ce contrat permet de prévoir les divergences sur le plan stratégique, l'arrivée d'un nouvel investisseur, les règles de distribution des bénéfices, de médiation ou de non-concurrence en cas de sortie d'un des associés de l'entreprise.»

 
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Jeanne CAVALIER

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