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Faire recette sur un marché de niche

Publié par La rédaction le

Elles se sont lancées sur un marché de niche et y prospèrent. Comment ces PME tirent-elles leur épingle du jeu sur des créneaux peu concurrencés mais restreints en termes de clientèle? Explications.

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Peu de concurrence et une bonne rentabilité, les raisons de se lancer sur un marché de niche sont nombreuses. Mais l'Eldorado doit être bien gardé, sous peine de faire de envieux. Explications.

Par Gaelle Jouanne et Anne-Françoise Rabaud

Quel est le point commun entre un laboratoire qui fabrique des tests ADN pour animaux, une boutique spécialisée dans la produits de beauté pour peaux noires, un fabricant de hautbois et une entreprise spécialisée dans les filets de protection pour les compétitions de tir à l'arc? Ces quatre entreprises évoluent sur des marchés de niche. Autrement dit, «des marchés très étroits sur lesquels une entreprise dispose d'une position très forte et relativement protégée», selon le Mercator, ouvrage de référence en marketing. Plus précisément, une niche est un marché suffisamment restreint pour ne pas intéresser les grandes entreprises - et donc la concurrence - mais suffisamment substantiel pour permettre à de plus petites d'y prospérer.

Faire évoluer son produit. «Mettre en place une stratégie de niche revient à décomposer son marché en petits segments et ainsi à passer d'un marché généraliste et de masse à des marchés de niche», explique Bruno Bizalion, directeur de BM&S, cabinet conseil spécialisé dans l'analyse de marchés de niche. Pour ce faire, il faut analyser l'univers dans lequel l'entreprise évolue, afin d'identifier les opportunités de niche. Il s'agit de réfléchir à la manière de faire évoluer son produit ou son service, pour qu'il réponde à une demande plus spécifique. Un fabricant de gants en latex standard pourra, ainsi, se lancer sur le marché des gants de haute sécurité permettant de protéger les médecins contre les risques de contaminations ou encore sur celui des gants de protection contre les piqûres d'abeilles pour les apiculteurs. Une fonderie pourra, quant à elle, se spécialiser dans les barres de tractage utilisées pour remorquer les gros porteurs dans les aéroports. Les marchés de niche sont intéressants à plus d'un titre. Premier constat: les investissements y sont plus limités. L'approche d'un marché de niche, par définition étroit, permet d'identifier assez facilement le potentiel réel de l'activité. Et donc d'adapter au plus juste ses investissements. Deuxième atout: la clientèle, elle aussi restreinte, est également plus facile à connaître et donc à satisfaire de manière efficace. Les budgets consacrés à la recherche et au développement, au marketing ainsi qu'à la commercialisation peuvent être, quant à eux, optimisés. «Trouver une niche sur ses marchés coûte moins cher et entraîne moins de risques que de lancer une innovation», résume Bruno Bizalion (BM&S). Troisième avantage: la concurrence étant moins pressante, le chef d'entreprise dispose de plus de temps pour valider son idée et planifier éventuellement des tests. Sans compter que la rareté de la concurrence a une autre conséquence qui n'échappera à personne: ces marchés offrent, en général, des marges généreuses.

La niche n'exclut pas la croissance.

@ KIRILL ROSLYAKOV FOTOLIA/LD

Evidemment, sur un marché de niche, les volumes de vente sont plus faibles que sur un marché généraliste. Pour autant, la niche n'implique pas, loin s'en faut, la stagnation de l'entreprise. Il arrive, par exemple, que des marchés de niche soient tellement lucratifs qu'ils se développent à grande vitesse. Dans ce cas, on observe deux situations: soit l'entreprise grossit avec le marché, de même que son carnet de commandes, ce qui lui permet de rester leader sur son secteur; soit le développement et les perspectives de croissance sont tels qu'ils finissent par attirer des concurrents de taille importante. C'est ce qui est arrivé sur le marché des produits laitiers au bifidus actif. «Créés par une coopérative régionale sous le nom de BA, ils ont connu un grand succès commercial. Cette entreprise a perdu, en quelques années, le leadership sur le marché, voyant arriver de nouveaux concurrents tels que Danone (...), qui a fini par s'imposer», illustrent les auteurs du Mercator. Au-delà de ce phénomène de croissance, vous pouvez, en outre, décider de générer de nouvelles sources de profit. Bruno Bizalion (BM&S) propose plusieurs pistes: dupliquer son savoir-faire dans d'autres activités et créer ainsi de nouvelles niches, proposer des offres complémentaires ou encore faire de la croissance externe. Enfin, certains entrepreneurs se positionnent sur un marché de niche dès la création de leur affaire. «Attention à la fausse bonne idée», prévient l'expert, pour qui «on ne crée pas une niche ex nihilo. Mieux vaut apprendre à micro-segmenter à partir d'une activité existante».

Du marché de masse au marché de niche et inversement

Evolution de la demande ou des technologies, effet de mode...Un marché de masse dominé par des géants peut devenir en quelques années un marché de niche. Exemple récent: les pellicules photos, aujourd'hui détrônées par les cartes mémoire des appareils numériques. Dès lors, l'argentique représente désormais un marché de niche. A l'inverse, il arrive qu'un marché de niche se «massifie». Les 4X4, par exemple, étaient, il y a quelques années, réservés aux baroudeurs. On en croise maintenant dans Paris, équipés de sièges bébé. Les grandes firmes automobiles ont donc dû répondre à la demande en créant des gammes de véhicules tout-terrain, transformant un marché à la clientèle restreinte en marché de masse.

@ CHARLY/FOTOLIA/LD

CAS 1
Antagène innove dans les tests ADN animaliers

«Sur le marché naissant des tests ADN pour chiens et chats, la PME lyonnaise enregistre 30 à 40% de croissance annuelle. Son secret? Un marketing de précision. Par Olga Stancevic

Les maladies génétiques d'animaux de compagnie étaient encore taboues il y a quelques années, confie Guillaume Queney, p-dg d'Antagène, laboratoire spécialisé dans les tests génétiques pour chiens et chats.

Progressivement, les éleveurs ont pris conscience qu'ils devaient se démarquer par la qualité et donc présenter des animaux sains. Par Seurs, l'intérêt des étérinaires pour le dépistage des maladies et la prise en charge des animaux s'est accru

C'est dans ce contexte porteur que la PME lyonnaise s'est imposée sur le marché de niche des tests ADN pour chiens et chats. Elle est aujourd'hui leader en France, avec 80% de part de marché et un taux de croissance annuel frôlant les 40%. Il faut dire qu'Antagène a ete précurseur dans son domaine. Généticien et ancien chercheur au CNRS, Guillaume Queney a identifié le potentiel du «secteur bien avant de créer sa société. «J'ai observé une multiplication des affections génétiques chez les chiens et les chats, due notamment à la consanguinité. Les éleveurs avaient besoin de tests fiables pour dépister les animaux porteurs de gènes défaillants et sélectionner les reproducteurs.» Autre créneau: l'identification génétique. Associé au pedigree, ce test confirme l'ascendance des chiens et chats de race de façon irréfutable. Tests de maladies génétiques et identification sont ainsi devenus les produits-phares d'Antagène, qui en propose une trentaine à son catalogue.

Une clientèle atomisée. L'histoire commence à 2002. «Lorsque j'ai créé ma société, il n'y avait pas de concurrent réel en France. Certains laboratoires européens proposaient des tests, mais de façon artisanale.» Une formidable opportunité pour le jeune créateur et son associée, Delphine Delattre, également généticienne. L'aventure entrepreneuriale démarre sous les meilleurs auspices: Antagène bénéficie de subventions, notamment de 316000 euros versés par Oséo à l'occasion du Concours national de création d'entreprises innovantes. De quoi démarrer sereinement et se consacrer, pendant trois ans, à la recherche et au développement. «Nous devions créer une première gamme de tests avant d'entamer toute démarche commerciale», explique le dirigeant. Ce n'est qu'en 2005 que la PME se lance dans la vente, avec un problème de taille: comment prospecter une clientèle difficile à cerner et atomisée? Si les vétérinaires sont bien identifiés (on compte environ 11000 praticiens en France), les éleveurs, estimés à 40 000, le sont nettement moins. Il en existe des occasionnels, qui fournissent une portée par an, et des professionnels avérés. La principale mission des quatre commerciaux d'Antagène consiste donc à qualifier le fichier clients. Un travail de titan quand on sait que les éleveurs génèrent 75% de l'activité de la société.

Pour conquérir et fidéliser ses clients, la direction s'appuie sur des campagnes de marketing direct. «Nous disposons d'une base de 15000 clients, un fichier que nous animons régulièrement avec des promotions et l'envoi d'informations sur les nouveautés», explique Guillaume Queney. Antagène consacre actuellement 20% de son budget à la fonction marketing et commerciale et 30% pour la R&D, avec le lancement de cinq à dix produits par an. Pour toucher les éleveurs, le laboratoire participe à des manifestations emblématiques du monde des animaux de compagnie. «Il existe environ 600 expositions canines par an en France, explique le dirigeant. Nous nous rendons à une dizaine d'entre elles. Sur une cinquantaine d'autres, nous faisons de la publicité, ou bien nous nous appuyons sur un réseau d'une trentaine d'éleveurs partenaires qui diffusent nos brochures sur leurs stands.» En contrepartie, ces partenaires bénéficient de réductions sur les produits de la marque. L'approche de la cible des vétérinaires est sensiblement différente: Antagène les informe régulièrement des nouveautés produits et anime des conférences sur les salons professionnels, en France et à l'étranger.

Cap sur Texport. Si le micro-marché français pèse aujourd'hui environ un million d'euros, Antagène a tôt fait de s'y sentir à l'étroit et de viser l'étranger. La PME vend actuellement ses produits dans 29 pays et réalise 31% de son chiffre d'affaires à l'export, avec une part de marché de 30%. «Nous souhaitons intensifier ce débouché. Le marché européen offre notamment un potentiel de 50 millions d'euros et 300000 clients», précise le responsable. Il se réjouit également du fait que la réglementation rend progressivement obligatoire l'identification génétique d'une partie des chiens et des chats de race: une nouvelle occasion de développer l'activité. Pour l'heure, Antagène est épargnée par la crise économique. Sa politique commerciale dynamique lui permet même de capter 3 500 nouveaux clients par an.

Antagène prévoit un résultat net de 140 000 euros fin 2009, soit environ 20% du chiffre d'affaires. Côté concurrence, la PME compte aujourd'hui deux compétiteurs en France. Mais ceux-ci ne possèdent pas le même degré de spécialisation. Le laboratoire conserve donc, pour le moment, une longueur d'avance.

ANTAGENE Repères

- ACTIVITE: Développement et vente de tests génétiques pour chiens et chats
- VILLE: Limonest (Rhône-Alpes)
- FORME JURIDIQUE: SA
- DIRIGEANT: Guillaume Queney, 40 ans
- ANNEE DE CREATION: 2002
- EFFECTIF: 15 salariés
- CA 2008:600000 Euros

A savoir
Un partenariat de poids

Antagène s'est associée à Royal Canin et à sa Convention d'éleveurs. Il s'agit d'une opération de marketing direct menée, tous les deux ans, par le leader de l'alimentation canine qui vise à cette occasion 8000 éleveurs. Le principe: les professionnels qui achètent des produits Royal Canin cumulent des points, qui se transforment en cadeaux. Antagène s'associe à l'opération depuis deux ans et son test d'identification génétique fait partie des lots «phares». «Ce partenariat nous octroie une présence terrain importante, puisque les 60 commerciaux Royal Canin sillonnent les élevages avec la brochure détaillée de l'opération et des lots à gagner», commente Guillaume Queney. S'il est encore trop tôt pour évaluer les retombées de ce partenariat, il permet au laboratoire lyonnais de sensibiliser son public sur l'intérêt de l'identification génétique.

Le marché des tests ADN pour animaux est porteur. Nous captons 3 500 nouveaux clients par an.
GUILLAUME QUENEY, p-dg d'Antagène

CAS 2
Colorii, le spécialiste de la beauté ethnique

Pour s'imposer sur le marché des produits de beauté pour peaux noires, les dirigeantes de Colorii ont d'emblée misé sur l'ouverture de plusieurs points de vente de proximité. Et haut de gamme. par Sylvie Laidet

Des boutiques claires au style épuré. Les dirigeantes de Colorii affichent résolument une image haut de gamme.

Des boutiques claires au style épuré. Les dirigeantes de Colorii affichent résolument une image haut de gamme.

C'est dans sa trousse de beauté que Dieynaba Bakiri a trouvé son idée de business. En effet, la jeune femme d'origine sénégalaise n'en pouvait plus de courir les «afro-shops» du boulevard Sébastopol, à Paris, et les corners des grands magasins pour trouver des crèmes et fonds de teint adaptés à sa peau noire. En avril 2005, elle profite donc d'un plan de départ volontaire chez le pétrochimiste Schlumberger pour réfléchir à un concept de boutique de produits de beauté pour peaux noires et métisses. Suivie par une ancienne collègue et amie, Cécile Abric, elle planche durant près de deux ans sur son projet. «Pour l'étude de marché, nous avons arpenté les rues parisiennes avec des questionnaires pour sonder notre clientèle cible», se souvient- elle. Les résultats sont probants et en phase avec les quelques rares études disponibles sur le marché: oui, les femmes noires consomment bien cinq fois plus de maquillage que le reste de la population féminine française. Soit près de 800 euros par an. A la clé: un marché potentiel de 900 millions d'euros. Oui, elles sont prêtes à dépenser encore plus pour obtenir des produits de qualité. Oui, elles recherchent une boutique distribuant ces produits à Paris. Parties, au départ, sur l'idée d'un point de vente en banlieue parisienne, elles adaptent alors leur projet. Des boutiques design au style épuré. La stratégie de Colorii - le nom déposé par les entrepreneuses - est claire: une boutique haut de gamme, des conseils professionnels et un emplacement dans Paris. Avec une amie architecte, Dieynaba Bakiri et sa complice planchent sur les plans d'une boutique: «Malgré notre marché de niche dit «ethnique», pas question de stigmatiser cette population en lui resservant les teintes jaune et orange chères à l'Afrique. D'autant que les métisses ne s'y retrouvent pas du tout.» Les boutiques Colorii sont donc blanches et leur style épuré. Reste à trouver l'emplacement. Après de multiples réunions, le Forum des Halles accepte de leur ouvrir ses portes. Une situation idéale au coeur de Paris. Une fois le local trouvé et le croquis en 3 D de la future boutique achevé, les entrepreneuses démarchent alors les banques. Pour élaborer leur business plan, les deux jeunes femmes s'appuient largement sur les experts de l'Agence pour la création d'entreprises (APCE), ceux de leur chambre de commerce et d'industrie mais aussi du réseau Entreprendre. Lauréates dudit réseau en 2007, elles décrochent également un prêt d'honneur. «Notre business plan misait sur un investissement de 500 000 euros pour la boutique des Halles. Avec une rentabilité à trois ans. Nos apports personnels couvraient la moitié de la somme, ce qui réduisait notablement les risques pour un banquier», raconte-t-elle. Pourtant, elles doivent batailler pour décrocher le prêt de 250 000 euros. Grâce à leur expérience au sein d'un grand groupe, les deux jeunes femmes sont rompues à la gestion de projet et habituées à faire des présentations musclées. Armées de leur projet abouti, elles remportent la mise. Même tactique avec les fournisseurs. «Unefois que l'on a réussi à convaincre Black Up, le leader des cosmétiques pour peaux noires, les autres ont suivi», raconte Dieynaba Bakiri.

Colorii ne cesse de grandir. En septembre 2007, la première boutique est inaugurée en grandes pompes sur une terrasse du Forum des Halles. «Pour s'imposer rapidement, il fallait un plan de communication agressif. Nous avons fait de la publicité sur les supports de communication ethniques et les radios pour adolescents.» Coût de l'opération: 30000 euros. Depuis, Colorii ne cesse de grandir. En septembre 2008, une deuxième boutique a ouvert dans le centre commercial Rosny 2. Une troisième vient de voir le jour à Evry. Pour 2008, Colorii affiche un chiffre d'affaires d'un million d'euros pour un résultat net «positif», mais non communiqué.

Pour cette fin d'année, Dieynaba Bakiri mise sur 2 millions d'euros de chiffre d'affaires. Et n'entend pas en rester là: «Sur un marché de niche comme celui-là, il faut rapidement ouvrir plusieurs points de vente afin de faire barrière à une éventuelle concurrence et augmenter notre pouvoir de négociation auprès des fournisseurs», conclut celle qui se voit déjà à la tête d'une chaîne de boutiques.

COLORII Repères

- ACTIVITE: Distribution de produits de beauté et soins pour peaux noires, mates et métisses
- VILLE: Gentilly (Val-de-Marne)
- FORME JURIDIQUE: SAS
- DIRIGEANTES: Dieynaba Bakiri, 34 ans, et Cécile Abric, 35 ans
- ANNEE DE CREATION: 2007
- EFFECTIF: 30 salariés
- CA 2008:1 MEuros

La beauté ethnique, un marché plein de promesses

83% des Afro-Françaises déclarent avoir des besoins spécifiques de produits de soin pour cheveux, du fait de leur origine. C'est ce que révèle Ak-a, une agence d'études et de conseil en ethnomarketing. Elles sont 74% à penser de même en matière de soin pour le corps, révèle l'institut dans < une étude réalisée en 2007.
Ce n'est pas tout. Les Afro-Françaises dépensent, en moyenne, cinq fois plus de produits de maquillage que le reste de la population féminine française globale et six fois plus lorsqu'il s'agit de leurs cheveux. Si le marché français des cosmétiques ethniques a donc son public, il demeure à ce jour un marché de niche. Les grandes marques sont encore peu positionnées sur ce créneau. Certes, la situation est en pleine évolution. Des marques comme L'Oréal, Mixa, Garnier, Dop ou encore Gemey ont créé une offre dédiée aux consommatrices afro. Elles ont compris le potentiel de ce marché. Pourtant, force est de constater qu'il n'a pas encore explosé. La raison? Le marketing ethnique est encore mal perçu dans l'Hexagone. Il est assimilé au communautarisme, ce qui n'est pas le cas aux Etats-Unis ou en Grande- Bretagne. La tâche des équipes marketing n'est donc pas facile. «Il faut éviter de faire du marketing folklorique, analyse Jean-Christophe Despres, p-dg de l'agence Sopi Communication. Pour les Africains vivant en France, l'Afrique n'a rien d'exotique. Il faut su contraire, miser sur l'authenticité des produits. Réfléchir, par exemple, à la façon de toucher son coeur de cible mais aussi les proches, conjoints et amis.»

@ vekha/fotolia/ld

Sur un marché de niche, il faut ouvrir rapidement plusieurs points de vente afin de parer à une éventuelle concurrence.
DIEYNABA BAKIRI ET CECILE ABRIC, p-dg et dg de Colorii

3 CAS
Le Moulin de la Cassadotte investit le marché du caviar

Pour se faire un nom sur le marché du caviar, la PME cultive une image haut de gamme en se rapprochant de chefs étoiles et en soignant le packaging de ses produits. Par Amélie Moynot

L'or noir: le pétrole? Non, le caviar. Un marché de niche largement dominé par les producteurs russes et iraniens et dont les acteurs français?- qui se comptent sur les doigts d'une main - ont la particularité d'être tous implantés en Aquitaine. Jean-Pascal Feray, 32 ans, est l'un d'eux. Avec son associé, Antony Danno, 39 ans, il dirige depuis trois ans le Moulin de la Cassadotte. Situé à Biganos, le quatrième producteur français de caviar de Gironde prévoit de produire près d'une tonne des fameux grains noirs en 2009.

Cette acquisition, finalisée en mai 2006, repose avant tout sur un pari: la production de caviar naturel décline, quand la demande, elle, tient bon. Explication: les quotas de pêche et d'exportation des principaux pays producteurs - l'Iran, la Russie et les autres producteurs de la Mer Caspienne - ont tendance à diminuer. «Cette production est sur le déclin», analyse Jean-Pascal Feray, qui estime pouvoir jouer sa carte, imaginant un avenir dans lequel «le caviar d'élevage ne serait plus un ersatz de caviar sauvage». D'où l'attrait, à ses yeux, de ce secteur de niche: environ 70 tonnes de caviar d'élevage ont été produites dans le monde en 2008.

Une offre produit segmentée. Mais comment rivaliser avec des acteurs installés de longue date sur le marché, qui ne supportent pas les mêmes coûts de production? Et comment se démarquer des autres producteurs nationaux? Telle est la problématique qui se pose, au début de l'aventure des deux protagonistes. Pour percer sur ce marché, Jean-Pascal Feray et Antony Danno décident de cibler les chefs étoiles, au premier rang desquels Thierry Marx, Alain Dutournier, Michel Portos, Jacques et Laurent Pourcel. Repérés comme des connaisseurs de caviar, ils sont une dizaine à avoir été approchés et séduits depuis février 2009. Seconde cible: les particuliers aisés et désireux de profiter des plaisirs de la table.

Pour séduire ces clients exigeants, l'accent est mis sur la recherche de la qualité. Les associés choisissent ainsi d'engager leur entreprise dans une démarche hautement qualitative. Ils investissent 400000 Euros sur trois ans dans la rénovation et la remise aux normes des bassins de poissons d'élevage. Objectif: créer des conditions proches de celles d'une vie sauvage, en vue d'obtenir une qualité de produit sans égale. Puis, les entrepreneurs mettent au point une stratégie produits: ils décident de perpétuer la marque Caviar de Gironde et capitalisent ainsi sur un héritage vieux de 16 ans. Pour affirmer leur positionnement sur le marché et monter en gamme, le Moulin de la Cassadotte décide, par ailleurs, de lancer une nouvelle marque. Ils la baptisent Ebène, un nom qui évoque «la puissance, la rareté et la noblesse», indique Jean-Pascal Feray. Une attention toute particulière est portée au packaging de cette gamme. Un code couleurs est mis au point pour l'emballage. Il se veut plus sobre, jeune et contemporain, dans un style en rupture avec l'or, le bleu et le rouge, «les dorures et les enluminures du luxe d'antan». La boîte du Caviar de Gironde privilégie, quant à elle, les lignes graphiques et la couleur verte pour évoquer la pureté naturelle de la fabrication. Le produit fini est proposé au prix du marché, entre 95 euros (Caviar de Gironde) et 125 euros (Ebène) les 50 grammes. Le manque de notoriété ne permet pas, à ce jour, au Moulin de la Cassadotte de répercuter la totalité de ses investissements sur ses prix de vente. «Il faut du temps pour être identifié comme exceptionnel», remarque Jean-Pascal Feray.

Du caviar et du Champagne. Pour développer la renommée de ses marques, le Moulin de la Cassadotte compte sur la dizaine de chefs qui proposent son caviar. Par ailleurs, la direction organise régulièrement des dégustations, en association avec de grandes marques de Champagne ou de foie gras. «Les amateurs de produits gastronomiques de luxe ne sont généralement pas exclusifs. Ils ont le palais éduqué et le potentiel financier qui leur permet de ne pas se priver», explique Jean-Pascal Feray. Ces partenariats permettent à la PME d'accéder aux fichiers clients de ces grandes marques, riches de plusieurs milliers de noms. Les visites permettent de désaisonnaliser la consommation de caviar et de générer du trafic sur le point de vente.

Grâce à cette stratégie - une production en forte croissance et des charges stabilisées -, l'entre- prise espère réaliser 1,8 million d'euros de chiffre d'affaires et vise un résultat net de 600000 euros en 2010. Depuis peu, le Moulin de la Cassadotte a des ambitions à l'international. L'ouverture d'un magasin de produits de luxe est prévue ce mois-ci à Bruxelles. Le caviar du Moulin de la Cassadotte y sera proposé avec d'autres produits haut de gamme sélectionnés par les associés, à la recherche «de bons ambassadeurs pour [leurs] marques». Sur ce point, la fin de cette année devrait marquer un tournant. Jean-Pascal Feray espère être présent sur les tables de Noël et de la Saint-Sylvestre, au Canada, au Danemark et au Japon. Des négociations sont en cours.

Des coûts de fabrication très élevés

Afin de proposer un caviar irréprochable, Jean- Pascal Feray et Antony Danno ont voulu recréer, dans leur exploitation, des conditions d'élevage semblables à celles de la vie sauvage. Ils se sont ainsi dotés des équipements nécessaires, tel un canal de forage de 240 mètres de profondeur destiné à fournir une eau pure pour le rinçage des poissons ou encore des dispositifs d'évacuation d'eau, jamais réutilisée. «Nous évitons également de trop chauffer l'eau, dans le respect du cycle ovarien de l'esturgeon», ajoute Jean-Pascal Feray. Quitte à augmenter la durée de production: «Ici, les poissons peuvent mettre huit ou dix ans pour se développer, contre sept lorsqu'ils sont élevés selon d'autres techniques.» C'est ainsi que le coût de fabrication varie du simple au quadruple selon ses origines. Certains caviars d'élevage reviennent à leurs producteurs grossistes à 2 000 Euros le kilo. Tandis que le grand sauvage peut coûter jusqu'à 8000 Euros le kilo.

LE MOULIN DE LA CASSADOTTE
Repères

- ACTIVITE: Production et vente de caviar
- VILLE: Biganos (Gironde)
- FORME JURIDIQUE: Société civile d'exploitation agricole (SCEA)
- ANNEE DE CREATION: 2006
- DIRIGEANTS: Antony Danno, 39 ans et Jean-Pascal Feray, 32 ans
- EFFECTIF: 8 salariés
- CA 2008: 600 kEuros
- RN 2008: 129 kEuros
- CA PREVISIONNEL 2009: 1,24 MEuros

Pour la marque Ebène, nous avons choisi de communiquer sur le luxe, plutôt que sur l'origine du caviar.
JEAN-PASCAL FERAY, dirigeant du Moulin de la Cassadotte

 
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