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Ils ont créé leur boîte grâce à leur ex-patron

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L'essaimage permet à une société de soutenir le projet de création ou de reprise d'entreprise de l'un de ses collaborateurs. Témoignages d'ex-salariés ayant bénéficié de la formule.

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@ BEBOY/FOTOLIA/LD

Pourquoi prendre le risque de quitter un grand groupe pour créer, sans filet, sa structure? Alain Bricoune, ex-salarié d'EDF et président de Luminescence, a trouvé une solution sécurisante: pour lancer son nouveau concept de luminaires à diodes électroluminescentes (led), il a bénéficié de l'essaimage, un processus d'accompagnement par lequel un employeur soutient un salarié qui veut créer ou reprendre une entreprise. «J'ai eu connaissance de ce dispositif, chez EDF, le jour où j'ai annoncé mon départ, en 2001.» L'actuel dirigeant de la société de conception et de fabrication de luminaires reprend alors sa démission... Et rencontre la mission essaimage d'EDF. D'avril à juillet 2001, tout en continuant à percevoir son salaire, Alain Bricoune travaille sur son projet deux jours par semaine. Puis, lorsqu'il se lance, il reçoit 3 000 euros d'aide annuelle durant cinq ans et profite de la tranquillité d'esprit de pouvoir retrouver à tout moment un poste chez EDF. Surtout, comme son projet dans le secteur de l'éclairage intéresse l'entreprise, il bénéficie d'un prêt participatif de 272000 euros, obtenu en mars 2003 et aujourd'hui intégralement remboursé. A posteriori, l'ex-salarié devenu entrepreneur éprouve beaucoup de gratitude à l'égard d'EDF: «Ils m'ont aidé à passer de la situation de salarié, forcément assisté, à celle de chef d'entreprise», affirme le dirigeant, qui vit aujourd'hui entre la région parisienne et Venice, en Floride, d'où il développe sa société. Avec une quinzaine de salariés, celle-ci a affiché un chiffre d'affaires de 2 millions d'euros en 2007.

CE QUE DIT LA LOI

L'essaimage, un concept juridiquement flou
Il n'existe pas de cadre juridique spécifique à l'essaimage. «Cela dépend de la fonction que l'on veut faire prendre à l'essaimé», précise Me Caria Perrin, du cabinet d'avocats Racine. Dans de nombreux cas, il devient sous-traitant. Principal risque alors pour l'essaimant: la requalification de la sous-traitance en lien salarial. «Je leur recommande d'aider leurs ex-salariés à trouver d'autres clients et à devenir autonomes», poursuit la spécialiste en droit social. Autre point important: afin de partir en toute sécurité, le salarié, s'il a plus de deux ans d'ancienneté, peut bénéficier d'un congé ou temps partiel pour création ou reprise d'entreprise. Ces dispositifs lui permettent de retrouver, si besoin, sa place en cas d'échec. Dans les sociétés de moins de 200 salariés, le chef d'entreprise peut les lui refuser s'il estime, après consultation des représentants du personnel, que son absence aura des conséquences préjudiciables pour l'entreprise.

Un accompagnement essentiel

Tout comme Alain Bricoune, Jean-Marc Burgun, lui aussi «essaimé», doit beaucoup à son ex-employeur, France Télécom. «J'ai travaillé trente ans comme salarié et je voulais passer à autre chose.» A 53 ans, le gérant de KB Services, une entreprise de nettoyage et d'entretien, est heureux d'avoir franchi le pas: de dix collaborateurs (équivalent temps plein) lorsqu'il l'a reprise, début 2006, la société est passée à trente aujourd'hui. En 2005, l'ex-salarié de l'opérateur se montre très attentif aux messages sur l'essaimage qui défilent sur l'intranet du groupe. Désireux d'avoir sa propre entreprise, il décide de reprendre celle d'un ami souhaitant passer la main. Avec l'aide d'un délégué à l'essaimage, il peaufine son projet pendant six mois. «J'ai d'abord travaillé à mi-temps chez KB Services, avant de prendre ma décision.» Au démarrage, il décroche une subvention de 30 000 euros de la part de France Télécom. Mais, surtout, il bénéficie d'un accompagnement pour monter son business plan, d'une assistance juridique, des services d'un expert en création d'entreprise et même de stages de formation à la Chambre de commerce, tout cela gratuitement. Aujourd'hui, il met à profit son expérience de salarié dans un grand groupe en s'inspirant, par exemple, des méthodes de ressources humaines de France Télécom. «A chaque collaborateur correspond un dossier RH complet, avec une fiche sur le poste, un référentiel de ses compétences, les prérequis pour évoluer dans l'entreprise et le plan déformation. De même, nous avons mis en place pour les cadres un processus d'entretiens professionnels trimestriels.» Satisfait de son parcours, le dirigeant essaie de rendre ce qu'on lui a apporté, en témoignant dans des réunions pour les futurs essaimes et en répondant aux e-mails des salariés de l'opérateur, qui ont parfois peur de franchir le pas.

@ BEBOY/FOTOLIA/LD

LAURENT MASSON, président de l'association Essaime

Les formes de soutien sont multiples. Certains intègrent le salarié dans le réseau, d'autres lui accordent une prime...

A la tête d'Essaimé, association qui fédère les essaimes, Laurent Masson insiste sur les échanges entre les candidats à l'essaimage et les essaimes plus anciens ou les chefs d'entreprise: «Le dirigeant doit être prêt à donner de son temps pour accompagner le salarié désireux de monter son entreprise. Ainsi, la séparation se fera dans le cadre d'un processus gagnantgagnant», estime-t-il. Les formes de soutien, parfois onéreuses, sont multiples: «Certains intègrent le salarié dans un réseau, d'autres lui accordent une subvention ou une aide financière lui permettant de se faire accompagner. . .» Avec, à la clé, un bon taux de réussite des essaimes: de 60 à 80% selon les chiffres de l'association, récoltés auprès de grandes entreprises.

LAURENT SERRANO, gérant de SC BAT

Je profite du groupement d'achats comme une PME de quarante personnes, alors que nous ne sommes que quatre.

Car, bien entendu, ce sont principalement elles qui essaiment. Principalement, mais pas exclusivement. «La PME aussi est un contexte favorable au déploiement de l'essaimage», assure Eric-Michael Laviolette, enseignant-chercheur en stratégie entrepreneuriale chez Advancia-Negocia, une école de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris, et auteur d'une thèse sur l'essaimage en PME (lire encadré ci-dessus). Laurent Serrano, aujourd'hui à la tête d'une petite affaire de maçonnerie (SC BAT), a été essaimé par son exemployeur, le Groupe Valentin, qui coiffe 17 PME de 2 à 50 salariés. Pour l'heure, en attendant de trouver son successeur, il mène de front ses deux métiers. Avec ses deux casquettes, il consacre énormément de temps à son travail salarié, mais c'est un salaire en moins à la charge de son entreprise. En outre, le Groupe Valentin a pris une part de 40% dans la SC BAT, qui sera réduite à 20% en 2009. «Affilié, je profite du groupement d'achats comme une PME de 40 personnes, alors que nous ne sommes que quatre, se réjouit Laurent Serrano. Et cela me rend plus crédible auprès des clients, qui savent que la société s'appuie sur un groupe.» Grâce à la mutualisation des moyens, SC BAT profite, en outre, pour une adhésion de 190 euros par mois, de la salle de réunion, du standard téléphonique, d'une partie du dépôt du Groupe Valentin... «Pour moi, l'essaimage n'a que des côtés positifs», conclut le chef d'entreprise en herbe.

PHILIPPE VALENTIN, président du Groupe Valentin

PHILIPPE VALENTIN, président du Groupe Valentin

TEMOIGNAGE

Mes ex-salariés deviennent mes partenaires
«L'essaimage, c'est un état d'esprit,; estime Philippe Valentin, dirigeant! du groupe du même nom. Je ne vais pas \ reprocher aux salariés qui veulent créer \ leur entreprise d'avoir attrapé le même \ virus que moi!» En plus des sociétés! qu'il crée ou reprend, il a déjà essaimé! à quatre reprises. Ce qui lui permet j de garder comme partenaires ses ex-salariés à fort potentiel, qui ont ainsi j un moyen de préparer leur départ sans déstabiliser la structure. Ils ont tout j avantage à accepter cette formule: prise de participation, partenariat commercial, conseils... Chaque essaimage, différent selon l'avancement du projet et l'individu qui le porte, est facilité par l'accompagnement du chef d'entreprise. «Je peux le présenter à mes banques en me portant caution morale, ou du moins procéder à un audit préalable pour voir si c'est réalisable.» Le dirigeant peut aussi «amorcer la pompe», en devenant le premier client, l'essaimé s'engageant à prendre de la distance et à diversifier sa clientèle pour devenir autonome au bout d'un an. Philippe Valentin joue le rôle de prescripteur auprès de certains clients et, inversement, la nouvelle société peut s'appuyer sur des entreprises du groupe pour accepter un contrat que sa petite taille ne permettrait pas de remplir seule. En outre, l'essaimé bénéficie, comme dans une pépinière d'entreprises, de charges modérées durant les premiers mois sur les facilités informatiques, le service de comptabilité du Groupe Valentin, la location des locaux... De quoi rassurer les clients. L'essaimé peut les recevoir dans un bureau agréable, ce qu'une jeune pousse n'a pas toujours les moyens de se payer. Mais avant que les salariés se lancent dans leur projet, Philippe Valentin les sensibilise aux contraintes du métier de chef d'entreprise et teste leur motivation réelle en leur prodiguant ses conseils le soir, après 20 heures. Cet accompagnement prend du temps. «Souvent techniciens, les ex-salariés éprouvent des difficultés sur les questions financières et commerciales. Les discussions peuvent durer jusqu'à minuit. Et ils m'appellent pour connaître mon avis sur certaines décisions, le risque qu'elles induisent. Cela réduit leur angoisse. Mais les voir créer leur entreprise me fait plaisir!»

GROUPE VALENTIN Repères

- ACTIVITE: BTP
VILLE: Genas (Rhône)
FORME JURIDIQUE: SAS
DIRIGEANT: Philippe Valentin, 43 ans
ANNEE DE CREATION: 1999
EFFECTIF GLOBAL: 200 salariés (répartis sur 17 PME DE 2 à 50 salariés
CA 2006-2007: 40 MEuros
RESULTAT NET 2006-2007: 1,2 Meuros

ERIC-MICHAEL LAVIOLETTE, enseignant-chercheur en stratégie entrepreneuriale

@ GILLES GAUVAIN/CCIP

ERIC-MICHAEL LAVIOLETTE, enseignant-chercheur en stratégie entrepreneuriale

3 QUESTIONS A...

«La PME est un contexte favorable à l'essaimage»


Quel est l'intérêt de l'essaimage pour les PME? Cette pratique est souvent perçue comme un outil de gestion des sureffectifs dans les grands groupes. Mais l'essaimage est adapté aux PME, notamment pour résoudre les problèmes auxquels elles sont particulièrement confrontées: se développer sans perdre leur autonomie, externaliser tout en assurant une continuité, garder les compétences-clés malgré le turnover. Par exemple, un «essaimé» peut devenir un prestataire pour des activités qui ne constituent pas le coeur de métier de la PME.
Comment un «essaimant» peut-il apporter son soutien?
Le soutien peut être financier, à travers la prise de participation dans le capital de l'entreprise essaimée par exemple. Ou commercial, l'ex-patron devenant le premier et principal client de la nouvelle entreprise, avec l'engagement de la part de l'essaimé de réduire sa dépendance au fur et à mesure des années. J'ai aussi souvent observé un accompagnement technique à la création, l'essaimant consacrant du temps à conseiller l'ex-salarié, comme un mentor.
Quels conseils pouvez-vous donner à ces dirigeants?
Face au désir d'entreprendre de l'un de ses salariés, le dirigeant ne doit pas y percevoir une concurrence ou une perte de compétence, mais avoir une démarche constructive.
En effet, c'est la possibilité d'ouvrir de nouvelles pistes de développement. Même si le risque de concurrence n'est pas négligeable, la relation de confiance qui existe à la base entre l'ex-salarié et son ex-patron permet de le réduire. Dans les cas que j'ai étudiés, lorsque l'essaimage fonctionne, c'est grâce à un passé relationnel qui joue un rôle fort. Et compense l'absence de formalisation de l'essaimage.

A Savoir

> ASSOCIATION
Créée en 2007, l'association Essaime promeut l'essaimage et fédère les créateurs et repreneurs d'entreprises «essaimées». Ce réseau leur permet d'échanger, à travers des réunions en régions et un forum Internet, sur les problèmes de tout entrepreneur débutant et ceux plus spécifiques à l'essaimage, comme le congé de création. Le site présente aussi des informations pratiques et des conseils à l'intention des candidats à l'essaimage et des chefs d'entreprises «essaimantes».
Rens.: www.essaime.fr

 
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Jeanne CAVELIER

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