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Leur premier job ? Patron !

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Exit la case salariat. Qui sont ces jeunes qui abandonnent les bancs confortables de l'école pour s'installer directement dans le fauteuil oscillant de p-dg? Soif de liberté, imagination, audace, environnement familial, social et éducatif... Pourquoi plongent-ils dans le grand bain de l'entrepreneuriat? Analyses et témoignages.

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@ MAURITIUS / PHOTONONSTOP / DG

«J'aime les success stories à la Bill Gates, celles qui débutent dans un garage et qui mènent au zénith. » Boris Saragaglia, 29 ans, égalera-t-il un jour son modèle américain? En tout cas son entreprise, Spartoo.com, connaît déjà une ascension fulgurante. En quatre ans et demi d'existence, le site internet de vente en ligne de chaussures affiche un bilan épatant. Entre 2009, année de la rentabilité, et 2010, ses effectifs ont triplé pour atteindre 140 salariés et son chiffre d'affaires a doublé, dépassant 60 millions d'euros. En 2006, trois paires de chaussures quittaient l'entrepôt quotidiennement. Aujourd'hui, ce sont 3 000 colis qui sont envoyés par jour. Farouchement attaché à sa liberté et à son indépendance, l'Isérois n'a jamais eu de chef au-dessus de lui. Après l'École des Mines, il intègre le mastère spécialisé HEC Entrepreneurs (un cursus d'un an destiné aux futurs créateurs) dans l'optique de monter sa boîte juste après ses études. Démarchage des fournisseurs, recrutements, recherche de capitaux... En quelques mois, Boris Saragaglia endosse des responsabilités colossales alors même qu'il vit dans un petit appartement parisien avec 300 euros de dépenses courantes par mois. Et, contre toute attente, il a adoré cette situation.

DOMINIQUE RESTINO, fondateur du MoovJee

«Les jeunes, en quête de sens, ne se reconnaissent pas dans les entreprises actuelles souvent déshumanisées.»

TEMOIGNAGE
J'ai rencontré 17 banquiers avant d'obtenir mon prêt
SEBASTIEN FAUL, gérant de SF Loisirs

Le mois dernier, Sébastien Faul franchit une nouvelle étape dans son parcours de gérant d'entreprise. Il cède son bail commercial pour déménager ses activités dans un local dont il est propriétaire. Son Megazone laser game - un labyrinthe où des joueurs tentent d'éliminer leurs adversaires à l'aide d'un pistolet laser, double ainsi de surface. Et ce, grâce au chèque de 500 000 euros signé par son banquier. Sans parlementer. Quelle revanche pour le Dijonnais! Six ans plus tôt, il a dû frapper aux portes de 17 établissements bancaires pour finalement en convaincre un de financer son projet, à hauteur de 80 000 euros. « Ils n'ont pas pris au sérieux un jeune en jean baskets et sans diplôme universitaire », regrette l'intéressé, alors âgé de 22 ans. Pourtant, ce fils de boulanger qui a toujours baigné dans le monde de l'entreprise estime avoir bâti un business plan solide: un héritage des cours de gestion de son année de terminale STT, option commerce. Il apporte, en outre, 20 000 euros de fonds personnels et 15 000 euros de love money. Le temps donne raison au banquier. En 2010, Sébastien Faul a diverti quelque 50 000 Bourguignons. De quoi dégager un chiffre d'affaires de 300 000 euros. Le hic? Ce papa n'a plus une seconde pour sa famille. « Mon énergie est investie dans ma propre affaire. Mais les contraintes inhérentes à une activité de loisirs me pèsent », admet-il. Résultat, il songe à revendre sa TPE à moyen terme. Puis à en monter une autre dans un secteur « moins chronophage » et ainsi mettre à profit les compétences acquises grâce à SF Loisirs.

SF LOISIRS >>Repères

ACTIVITE: Centre de jeu laser
VILLE: Chenôve (Côte-d'Or)
FORME JURIDIQUE: SARL
DIRIGEANT: Sébastien Faul, 28 ans
ANNEE DE CREATION: 2004
EFFECTIF: 2 salariés
CA 2010: 300 kEuros

Qu'est-ce qui fait courir les jeunes?

Un cas isolé? Pas vraiment, d'après Guilhem Bertholet, responsable de l'incubateur de HEC, qui accompagne les jeunes diplômés dans leurs projets de création: « La communication autour de parcours entrepreneuriaux réussis, que ce soit dans la presse ou au sein des écoles de commerce, fait son chemin dans la tête des jeunes. L'autonomie, le pouvoir et le potentiel financier mis en exergue attirent une population désireuse de se prouver ses capacités. » Dominique Restino entrevoit d'autres motivations. Le fondateur du MoovJee (Mouvement pour les jeunes étudiants entrepreneurs) estime que « les jeunes qui ont la vingtaine, en quête de sens, ne se reconnaissent pas dans les entreprises actuelles souvent déshumanisées ». Alors plutôt que de chercher des années celle qui leur conviendra, ils la créent. C'est aussi simple que cela! C'est le cas notamment d'Antoine Gentil, cogérant de Babyspeaking, une PME spécialisée dans l'apprentissage des langues à destination des enfants. « Je voulais choisir mon entourage professionnel, l'éthique et les valeurs de la structure pour laquelle je dépense mon énergie», explique le Parisien qui fonde son entreprise début 2009, à 24 ans, avec seulement 6 000 euros (3 000 euros d'apport personnel, le reste provenant de son associé, Julien Viaud).

ETUDE
Un jeune sur deux souhaite créer un jour son entreprise

Parmi les 9 millions de jeunes Français âgés de 18 à 29 ans, 47 % déclarent que la création d'entreprise fait partie de leur projet de vie professionnelle. C'est ce qu'indique un sondage d'OpinionWay Etude quantitative menée par OpinionWay pour l'APCE, CER France et le Codice. publié en 2009. Et pour 13 % d'entre eux, le projet est concret et prévu dans les deux ans à venir. Facteur favorisant cette envie de création d'entreprise: l'importance de la culture économique et entrepreneuriale. Transmise par le biais de l'entourage proche ou acquise au cours des études scolaires et universitaires, elle prédispose certains à la création d'entreprise. Les enfants et petits-enfants d'entrepreneurs ont ainsi davantage de chance de devenir eux-mêmes entrepreneurs s'ils ont prêté main-forte à leurs parents ou grands-parents. Ainsi, un tiers des jeunes ayant activement aidé un parent proche entrepreneur déclarent vouloir créer leur entreprise. Pour 59 % des jeunes interrogés, la taille idéale d'une entreprise se situe entre 10 et 249 salariés. Et si l'on considère plus particulièrement le groupe de ceux ayant l'intention de créer une entreprise, la taille d'entreprise idéale est inférieure à 10 salariés (35 %).

AURELIE PERRUCHE, cofondatrice de Likiwi Web and Co

«Je n'ai pas de famille à charge, ni de prêt immobilier sur le dos. Le moment est donc idéal pour me lancer.»

L'environnement familial et éducatif.

Les parents d'Antoine Gentil et de Julien Viaud, tous salariés, ont soutenu financièrement leur fils respectif durant les six mois nécessaires pour que leur affaire tourne et devienne rentable. D'autres vont jusqu'à investir dans le projet. Les 5 000 euros réunis par ses proches ont par exemple permis à Aurélie Perruche de lancer Likiwi Web and Co en 2009, à l'âge de 24 ans. Sans eux, l'ingénieure aurait certainement dû multiplier les missions de conseils pour amasser le montant nécessaire. Et donc reporter le lancement de sa TPE, à l'origine d'une application permettant de téléphoner gratuitement à ses «amis Facebook» depuis n'importe où dans le monde. Une idée née fin 2008 dans la tête d'Yvan Morales, son voisin d'amphithéâtre de l'ESCP Europe devenu aujourd'hui son associé. L'un comme l'autre ont à leur actif un double cursus (ingénieur/ école de management) car ils envisageaient de créer une entreprise. Quel a été le poids de l'environnement familial? « Impossible à dire », répond Aurélie Perruche dont les parents n'ont jamais monté d'entreprise. Pour elle, il s'agirait davantage « d'une question de tempérament ». Elle est rejointe dans son analyse par A ï ni Hannachi, responsable du programme OPPE (Observatoire des pratiques pédagogiques en entrepreneuriat) au sein de l'Association pour la création d'entreprise (APCE). L'experte estime en effet que si les enfants d'entrepreneurs, baignés depuis l'enfance dans ce monde, sont moins effrayés par la prise de risque, ceux dont les parents reçoivent une fiche de paie mensuelle ne sont plus en reste. « La multiplication des structures d'accompagnement ouvre les portes en grand à tout un chacun, quel que soit le background familial ou éducatif », affirme-t-elle. Et de rappeler que la France compte à ce jour plus de 300 incubateurs et une vingtaine de pôles de l'entrepreneuriat étudiant dans ses universités. La mission de ses derniers consiste à associer plusieurs établissements de l'enseignement supérieur (écoles, universités) et des réseaux d'entrepreneurs locaux (réseaux d'accompagnement, incubateurs publics et privés, consulaires, financeurs, réseaux de PME, etc.), pour offrir un accompagnement aux étudiants. Un bémol toutefois concernant les élèves de filières professionnelles qui ne jouissent pas d'autant d'attention, au grand regret de Dominique Restino (MoovJee).

BORIS SARAGAGLIA, fondateur de Spartoo.com

« Farouchement attaché à ma liberté et à mon indépendance, je n'ai jamais eu de chef au-dessus de moi.»

A SAVOIR
Les entreprises créées par les jeunes disparaissent plus vite

Quelles que soient les caractéristiques de l'entreprise, le profil du créateur influe sur sa pérennité. L'expérience professionnelle et le diplôme sont les critères les plus déterminants. Plus de quatre entrepreneurs sur cinq ont eu une expérience professionnelle avant la création de leur entreprise. Plus la période d'acquisition de ces compétences est longue, plus les chances de pérenniser l'entreprise sont importantes.
Quelle que soit l'entreprise, plus le diplôme du créateur est élevé, plus ses chances de réussite sont importantes. Ainsi, parmi les entrepreneurs diplômés de l'enseignement supérieur (32 % des créateurs), près de trois sur cinq franchissent le cap des cinq ans. Parmi les créateurs de 2002, 20 % avaient moins de 30 ans. Ces jeunes entrepreneurs ont moins d'expérience professionnelle que les autres et les entreprises qu'ils créent sont, en moyenne, les moins pérennes: 46 % étaient toujours actives en 2007, contre 54 % de celles créées par les personnes âgées de 30 ans à moins de 50 ans.

Des handicaps. Les structures d'accompagnement ont une véritable utilité. Il est en effet clair que la bonne volonté ne suffit pas. Les jeunes entrepreneurs doivent éviter un certain nombre d'obstacles avant de concrétiser leur rêve. Le plus évident: « Le manque d'expérience tant dans le secteur choisi que dans le monde des affaires, précise Guilhem Bertholet (HEC). Par goût mais aussi par conscience de leur manque de crédibilité, ils ont ainsi tendance à délaisser le B to B où le niveau d'expertise exigé est élevé et les secteurs nécessitant une mise de fonds importante. Les services à la personne et les nouvelles technologies sont les secteurs de prédilection des jeunes créateurs. » L'inexpérience, un handicap insurmontable quand il s'agit, notamment, de démarcher les banquiers et autres investisseurs? « Notre âge, 24 ans, n'a pas effrayé notre business angel car ancien entrepreneur, il s'est avant tout retrouvé dans notre démarche et a été convaincu par notre business plan », se souvient Matthieu Delporte, directeur général de Baracoda, une entreprise qui développe et commercialise des solutions sans fil Bluetooth d'identification automatique et de collecte de données à destination des secteurs de l'industrie, de la distribution ou de la logistique, notamment. Pour un Matthieu Delporte qui lève 1,5 million de dollars, combien de Sébastien Faul (lire le témoignage) passent sur le grill bancaire à 17 reprises? Difficile de répondre étant donné le nombre d'éléments intervenant dans la décision de celui qui dispose du chéquier: crédibilité du jeune, potentiel du projet, qualité du réseau, assimilation à son propre parcours, conjoncture, etc. Des données qui jouent, par ailleurs, auprès des fournisseurs. Heureusement, les experts s'accordent à dire que, bien souvent, quelques milliers d'euros (d'apport personnel ou de love money, autrement dit l'argent issu de l'entourage proche) permettent d'amorcer l'entreprise avant le recours à des investisseurs privés. En outre, des réseaux privés ou associatifs, à l'instar de France initiative, le plus connu d'entre eux, se donnent comme mission de faciliter l'accès au crédit des jeunes créateurs par le biais de prêts d'honneur, à taux zéro ou avec des garanties limitées.

Ainsi, après deux années d'autofinancement, Antoine Gentil a aujourd'hui besoin de 200 000 euros pour développer Baby-speaking. Il compte solliciter des business angels courant 2011 et part confiant. « Les chiffres parlent pour nous, estime-t-il. Nous avons fait nos preuves. » Le cogérant reconnaît tout de même quelques erreurs de comptabilité dans la facturation des heures, imputables notamment à son inexpérience. « C'est ainsi que l'on apprend, relativise-t-il. Reste que si nous nous étions entourés de professionnels des services à la personne pour nous conseiller, nous aurions certainement gagné du temps. » « Les jeunes créateurs font parfois preuve de précipitation ou d'impatience, constate Aïni Hannachi (APCE), mais ils ne se laissent jamais démonter. » Pourquoi? « Parce qu'ils ne redoutent pas l'échec et sont persuadés qu'ils vont rebondir. »

ANTOINE GENTIL, cofondateur de Baby-speaking

«Je voulais choisir mon entourage professionnel, l'éthique et les valeurs de la structure pour laquelle je dépense mon énergie. »

Des atouts. Ainsi, quand Matthieu Delporte (Baracoda) se rend compte, avec ses deux associés, Thomas Serval et Olivier Giroud, que leur modèle de vente est à revoir, ils ne paniquent pas. Matthieu Delporte se félicite même de fonctionner au sein d'un trio aux compétences complémentaires. Un choix fait dès le début de l'aventure afin de maximiser les chances de réussite. En 2003, deux ans après son lancement, Baracoda passe donc d'une distribution directe via des commerciaux maison à des revendeurs internationaux. « Qu 'avions-nous à perdre finalement? », interroge le dirigeant pour justifier sa prise de risques. Une réponse sous forme de question qui revient souvent dans la bouche des jeunes créateurs, notamment celle d'Aurélie Perruche (Likiwi Web and Co). « Mon associé et moi-même n'avons pas de famille à charge ou de prêt immobilier sur le dos. Le moment est donc idéal pour me lancer », considère la jeune femme. Une opinion que partage Dominique Restino (MoovJee): « Le virement qui tombe tous les mois sur le compte, voilà un confort difficile à quitter pour un salarié. Un étudiant, en revanche, est habitué à se serrer la ceinture. » Et il déborde d'énergie tout en disposant de son temps. Ce n'est pas Boris Saragaglia (Spartoo.com) qui dira le contraire. Deux fois par an, à l'occasion de la présentation de son parcours à HEC, il est assailli de questions émanant de patrons en herbe. La relève est donc assurée. Déjà!

GUILHEM BERTHOLET, responsable de l'incubateur de HEC

«Les services à la personne et les nouvelles technologies sont les secteurs de prédilection des jeunes créateurs.»

Législation
Créer son entreprise à 16 ans est désormais possible

En 2009, le statut de l'auto-entrepreneur révolutionne la création d'entreprise. Ce régime simplifie considérablement les démarches, mais attire peu les moins de 25 ans lesquels représentent seulement 6 % des inscrits. Avec la mise en place, le 1er janvier 2011, de l'Entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL), le gouvernement va plus loin pour encourager l'entrepreneuriat. Ce statut est en effet ouvert aux mineurs. S'ils souhaitent lancer leur entreprise en nom propre, ils doivent tout d'abord obtenir l'accord de leurs parents. Ils peuvent ensuite s'inscrire soit auprès des centres de formalités des entreprises (qui dépendent des chambres de commerce et d'industrie), soit sur Internet via le guichet unique de la création d'entreprise. Ils doivent également, le cas échéant, être titulaire des diplômes nécessaires à l'exercice de l'activité visée. Le patrimoine personnel est protégé dans le cadre de l'EIRL. En cas de faillite, les biens personnels, rares dans le cas des jeunes créateurs, sont à l'abri des créanciers professionnels.


Les lecteurs de Chefdentreprise.com, interrogés en fin d'année 2010, estiment à 72 % que l'abaissement de l'âge légal pour créer une entreprise n'est pas une bonne idée. Et vous?

 
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Gaelle Jouanne

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