Recherche
S'abonner à la newsletter S'abonner au magazine

PETITS SOUS-TRAITANTS CHERCHENT GRANDS COMPTES

Publié par le

Petits sous-traitants et directions achats des grandes entreprises peuvent-ils vraiment s'entendre? A l'heure où le Pacte PME accroît son nombre de signataires et où les bonnes pratiques des donneurs d'ordres sont suivies de près, quels sont les leviers dont disposent les PME pour figurer dans les petits papiers des grands comptes?

Je m'abonne
  • Imprimer

@ FOTOLIA/LD

Près de 8,7 milliards d'euros. C'est le montant des achats effectués en 2008 auprès des petites structures par les grands comptes signataires du Pacte PME. Cette somme représente 19,2 % de l'ensemble de leurs achats, soit une augmentation de 10 % depuis le lancement officiel de l'association en 2006, dont le but est de renforcer les relations entre les donneurs d'ordres et leurs petits sous-traitants.

Toutefois, cette dynamique positive créée par le Pacte PME ne suffit pas. Plusieurs freins demeurent. Le problème réside dans la massification de l'achat. Pour Laurent Levy, président d'Inop's, plateforme de services entre grands comptes et PME, « les grands comptes cherchent à réduire les coûts grâce à l'achat de masse. D'autre part, ils préfèrent prolonger sur le long terme les contrats de leurs fournisseurs historiques. » Pour Patrice Pourchet, responsable pédagogique du mastère spécialisé Gestion achats internationaux au sein de l'Essec Business School, la situation est encore plus difficile à l'international: «Les grands groupes recherchent des sous-traitants internationaux pour conforter leur présence à l'étranger, ce qui exclut de fait les petites structures. »

Dans ce contexte, comment tirer son épingle du jeu quand on est une PME? Première règle: être visible. Il est difficile pour les donneurs d'ordres d'identifier, au moment de la consultation, les entreprises disposant de compétences, de produits ou de services susceptibles de leur apporter une valeur ajoutée. «Ils ont besoin de savoir dans quelle catégorie de fournisseurs se place la PME, décrypte Patrice Pourchet (Essec Business School). Est-elle stratégique (c'est-à-dire qu'elle cible un marché particulier)? Ou bien spécifique (on ne peut passer que par elle)? Ou encore commune (peut-on la remplacer par d'autres)?» La PME doit apporter de la visibilité et des informations sur son activité. A elle d'utiliser toutes les ficelles pour se mettre en avant. Parmi les solutions à sa portée: rejoindre une association, telle que le Pacte PME, et exploiter toutes les ressources des outils de communication. A cet égard, le site web - qui doit se distinguer de ceux des entreprises concurrentes - et les réseaux sociaux ont un rôle important à jouer. Avec toujours le même but: se faire connaître et faire connaître son offre. A noter que les grands comptes sont tout particulièrement attentifs à leur image et communiquent beaucoup sur la responsabilité sociétale. «Ils se tourneront davantage vers un fournisseur qui emploie un certain nombre de personnes handicapées ou qui a une approche environnementale», explique Patrice Pourchet.

PATRICE POURCHET, responsable pédagogique mastère au sein de l'Essec Business School

C'est souvent à la PME de s'adapter à la clientèle grands comptes, et non l'inverse.

Quoi qu'il en soit, les petites entreprises peuvent compter sur ces grands comptes qui morcellent leur marché en définissant différents lots soumis à appel d'offres. «Par exemple, pour un appel d'offres sur la sécurité des systèmes d'information, pourquoi ne pas choisir de répondre au lot «audit sécurité" ou à celui sur le «développement des applications"?», imagine Laurent Levy (Inop's). La PME désireuse d'accéder au marché peut alors intervenir sur un lot en particulier, en fonction de son domaine de compétence.

Savoir travailler ensemble. Mais ensuite, comment travailler main dans la main? « Une fois la consultation terminée, un certain nombre de contraintes, liées au cahier des charges du donneur d'ordres, requièrent une organisation sans faille de la PME», souligne Laurent Levy.

Celle-ci doit également pouvoir faire preuve de réactivité. En effet, pour éviter toute mauvaise surprise, et notamment une rupture d'approvisionnement qui pourrait porter atteinte à leur image, les grands groupes doivent pouvoir connaître l'état de la production à tout moment. Pour répondre à ce suivi, le soustraitant doit désigner un interlocuteur privilégié du client. S'il est difficile pour une PME de puiser dans ses effectifs, elle peut faire appel à des sociétés de conseil, à un expert externe ou à son réseau pour répondre directement aux demandes du directeur achat.

LAURENT LEVY, président d'Inop's

Pour se prémunir et rebondir en cas de perte de contrat grand compte, les PME doivent multiplier les clients.

« C'est malheureusement souvent à la PME de s'adapter à la clientèle grands comptes, et non l'inverse», constate Patrice Pourchet (Essec Business School). Une méthode que confirme Thomas Gravis, directeur du département fonctionnel (service des achats) de la Société Générale: «En France, nous réalisons 30 % de notre volume d'achat avec des PME. Nous les traitons de la même façon que nos autres fournisseurs. Cela peut être difficile pour ces petites structures, car elle ne bénéficie pas d'un accompagnement particulier, mais c'est aussi un gage de traitement équitable. » La Société Générale veille à l'équilibre financier de ses partenaires en définissant un taux de dépendance de 25 %, pour éviter que l'entreprise ne trébuche en cas de retrait ou de recul du marché. Chez Sodexo, ce taux est fixé à 20 %. Pascal Jeanson est directeur des achats alimentaires du groupe de restauration collective. Pour lui, la collaboration entre grands groupes et petits fournisseurs doit reposer sur un certain «équilibre»: «Il faut prendre en compte ce qu'ils représentent pour nous, la valeur ajoutée qu'ils nous apportent, mais surtout, ce que nous, nous représentons pour eux. » Aussi, pour abaisser le taux de dépendance de ses petits sous-traitants, Sodexo morcelle son marché. Le sous-traitant qui perd un contrat grand compte peut ainsi espérer rebondir. «En effet, pour se prémunir, les PME doivent multiplier les clients», conseille Laurent Levy (Inop's). La Société Générale, quant à elle, prend non seulement en compte la part que constituent ses commandes dans le chiffre d'affaires de ses fournisseurs, mais aussi la durée de la relation, privilégiant les missions plus courtes. «L'idée est de mettre en place un vrai partenariat, qui ne prend pas fin au terme de notre collaboration. Nous pouvons ainsi orienter une PME vers d'autres marchés», assure Thomas Gravis.

En parallèle, les grands groupes suivent de près la solvabilité de leurs petits sous-traitants. Sodexo assure le suivi de ses partenaires grâce à des instituts comme la Coface: chiffre d'affaires, santé financière, créances et notation, rien ne leur échappe. «Nous n'hésitons pas non plus à interroger directement les entreprises avec lesquelles nous traitons, ajoute Pascal Jeanson Nous entretenons un contact permanent avec elles, car cela nous permet de nous assurer d'une part de la viabilité de ces entreprises, et d'autre part de leurs projets. Nous cherchons par exemple à connaître leurs dernières innovations. »

Mais au-delà de l'aspect technique de la collaboration, c'est bien le métier d'acheteur qui doit évoluer pour s'ouvrir davantage aux petites structures. Aussi, la Société Générale a intégré un volet «PME» à sa politique sociétale. Première banque signataire du Pacte PME, elle témoigne de son engagement en organisant une à deux fois par an des rencontres thématiques, entre ses petits fournisseurs et des responsables internes de l'entreprise. Chaque société dispose de dix minutes pour présenter son offre devant l'assemblée. Les membres de la Société Générale se tournent par la suite vers les projets les plus séduisants. «Il n'y a pas d'intermédiaire. C'est uniquement le talent de la PME qui entre en ligne de compte», résume Thomas Gravis. Grâce à ces rencontres, ce sont en tout 3 millions d'euros de contrats qui ont déjà été signés entre les PME et l'établissement bancaire.

TEMOIGNAGE
Notre priorité: soigner le relationnel avec nos clients
GUILAIN DU COUEDIC, codirigeant d'Oceane consulting

Créée en 2002, oceane consulting propose des prestations de services informatiques. Sa clientèle est uniquement constituée de grandes entreprises. Pourtant, elle rencontre encore des difficultés à accéder à leur marché. «Les grands donneurs d'ordres ont mis en place des accords-cadres pour réduire le nombre de fournisseurs et, par conséquent, les coûts, explique Guilain du Couëdic, l'un des dirigeants d'Oceane Consulting. Ils préfèrent souvent travailler avec de grosses structures, les PME étant trop généralistes. » Une solution alors: se faire connaître et se démarquer! Oceane consulting choisit de rejoindre le réseau Inop's, qui met en relation des PME et des grands groupes. Grâce à la plateforme, oceane consulting travaille toujours en direct avec ses clients, mais bénéficie d'un meilleur référencement. elle reçoit un mailing où sont répertoriées les différentes consultations, puis étudie la faisabilité du projet et les solutions qu'elle peut apporter. «Ensuite, une fois la mission démarrée, notre priorité est de soigner le contact avec notre client, assure Guilain du Couëdic. Nous voulons construire une relation sur la durée, pour pérenniser la prestation, voire proposer d'autres services. »


OCEANE CONSULTING - repères
ACTIVITE: conseil en système et logiciels informatiques?
VILLE: Paris (IIe arr.)
FORME JURIDIQUE: SARL
DIRIGEANTS: Guilain du Couëdic, 39 ans, Xavier du Couëdic, 35 ans et Jean-François Fellmann, 38 ans
ANNEE DE CREATION: 2002
EFFECTIF: 56 salariés
CA 2009: 3 MEuros

TROIS QUESTIONS A Pierre Pelouzet, vice-président de Pacte PME, directeur des achats SNCF, président de la CDAF
« Il faut un changement d'état d'esprit de part et d'autre »

Une charte de bonnes pratiques a été signée en février et juin derniers. un texte nécessaire pour améliorer les relations pme/grands comptes?
La CDAF (compagnie des dirigeants et acheteurs de France), la Médiation du crédit et la Médiation de l'industrie se sont réunies sous l'égide de Christine Lagarde, ministre de l'Economie, pour mettre en place cette charte de bonnes pratiques. cette dernière permet de définir les aspects financiers des relations entre PME et donneurs d'ordres: Qu'en est-il du taux de dépendance ou des délais de paiement? comment établir une prévision des commandes? 45 grandes entreprises ont accepté de la signer. certaines ont d'ores et déjà nommé, en interne, un médiateur. Le rôle de ce dernier est de relancer les interlocuteurs habituels avec lesquels traite la PME en cas de problème, mais aussi d'organiser des rencontres entre le donneur d'ordres et le sous-traitant, pour favoriser les échanges.


La communication est-elle aussi une priorité développée dans le pacte PME?
Le conseil d'administration de l'association Pacte PME est composé pour moitié de grands groupes et pour l'autre de petites et moyennes entreprises. L'idée est de les faire communiquer sur différentes thématiques, le fil rouge étant le développement des PME. Parmi les sujets abordés: Faut-il massifier les achats? Quelles sont les formes d'aides au développement? comment faire évoluer la loi sur les marchés publics? Un comité de suivi est chargé de recenser et de promouvoir toutes les bonnes pratiques mises en place par les membres de l'association.


Aujourd'hui, quels efforts restent à fournir?
Il est important qu'il y ait un changement d'état d'esprit de part et d'autre. Grandes et petites entreprises ont du mal à communiquer et il faut qu'elles acceptent que les points de vue puissent être différents. Il faut multiplier les opportunités d'échanges. Par exemple, en organisant des réunions ou des formations permettant aux PME de mieux comprendre les appels d'offres. Il faut penser aussi à développer le sourcing pour trouver les sous-traitants les plus à même de répondre à la problématique du donneur d'ordres. enfin, en morcelant les marchés, il est plus facile pour les PME de décrocher des contrats.
La flexibilité des PME est un avantage à ne pas négliger. Aux grands comptes, alors, de dynamiser le tissu économique en faisant appel à ces acteurs majeurs que sont les PME.

ZOOM
Quel futur pour les relations entre donneurs d'ordres et PME?

Jean-François Roubaud, président de la CGPME, a discuté avec Christian Estrosi, le ministre de l'Industrie, au cours d'un déjeuner qui s'est tenu le mercredi 1er septembre 2010. Au menu: les suites à donner au rapport Volot sur les relations interentreprises et la sous-traitance. «Ce rapport est un travail vraiment intéressant», soutient Jean-François Roubaud. Le président de la CGPME se dit satisfait de voir relayées un grand nombre des préconisations de l'organisation patronale. Un exemple? Le paiement de la TVA par le sous-traitant seulement au moment de l'encaissement effectif des sommes qui lui sont dues. Ainsi, l'entreprise pourrait s'acquitter de la TVA chaque trimestre, et non plus chaque mois. cette simple mesure de trésorerie, sans coût budgétaire pour l'Etat, soulagerait les PME sous-traitantes dont beaucoup restent fragiles.

TEMOIGNAGE
En nous associant à d'autres entreprises, nous multiplions nos compétences
FRANCIS PENNEQUIN, dirigeant de la société Pennequin

Deux lignes de tramway traverseront la communauté dijonnaise en 2013. Pour réaliser les travaux, le Grand Dijon a lancé un appel d'offres en 2009. Pennequin, PME locale de 65 salariés, y répond, en association avec la multinationale colas. «Notre entreprise a 110 ans. Et depuis plus de 50 ans, elle s'associe régulièrement à d'autres sociétés pour multiplier les compétences et devenir plus généraliste», explique son dirigeant, Francis Pennequin. Ses principaux secteurs d'activité? Le terrassement et les travaux de voirie, complétés par un service démolition. La PME s'est donc proposée pour concevoir le tracé géographique des deux lignes de tramway et travailler à partir des chaussées existantes. colas apporte son aide pour le revêtement de voirie et supervise l'ensemble du chantier. cet appel d'offres représente un marché de 35,8 millions d'euros, alors que Pennequin enregistre un chiffre d'affaires de 9 millions d'euros. «D'où l'importance d'associer les compétences, car nous ne pouvons pas répondre à un marché qui représente quatre fois notre chiffre d'affaires! », ajoute Francis Pennequin.
Pour que la collaboration avec colas se passe au mieux, la PME a nommé un conducteur de travaux et un géomètre, interlocuteurs privilégiés du partenaire. Une fois par semaine, une réunion est organisée avec toutes les personnes intervenant sur le projet du tramway, pour étudier l'avancement des travaux.
«Toutefois, nous avons encore quelques lacunes administratives et juridiques et il nous est difficile de suivre le rythme de Colas», regrette le dirigeant. Pour pallier ce handicap, les deux partenaires ont mis en place une convention de groupement, qui précise les clauses du contrat et définit les fonctions de chacun. Un cadre indispensable pour une collaboration harmonieuse.


PENNEQUIN - Repères
ACTIVITE: travaux de terrassement
VILLE: Marsannayla-côte (côte-d'or)
FORME JURIDIQUE: SARL
DIRIGEANT: Francis Pennequin, 49 ans
ANNEE DE CREATION: 1900
EFFECTIF: 65 salariés
CA 2009: 9 MEuros

 
Je m'abonne

Céline Tridon

NEWSLETTER | Abonnez-vous pour recevoir nos meilleurs articles

Chef d'Entreprise Newsletter

Artisans Newsletter

Commerce Newsletter

Event

Event

Event

Les Podcasts de Chef d'Entreprise

Lifestyle Chef d'Entreprise

Artisans Offres Commerciales

Chef d'Entreprise Offres Commerciales

Commerce Offres Commerciales

Good News by Netmedia Group

Retour haut de page