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Pourquoi nos PME s'interdisent-elles l'export?

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Les PME françaises et l'export, c'est un peu «je t'aime, moi non plus». Certaines n'osent pas se lancer, d'autres tentent l'aventure mais essuient un, voire plusieurs échecs. Pourquoi les PME tricolores sont-elles freinées dans leur développement à l'international? Enquête.

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@ FOTOLIA / LD

«Je n'ai pas les épaules pour», «mon produit n'est pas adapté à l'international», «je n'ai pas les moyens financiers», «mes équipes ne sont pas qualifiées»... Autant de raisons évoquées par les dirigeants de PME qui s'interdisent l'export. Selon les chiffres avancés par Ubifrance, sur les 1 300 000 PME que compte la France, seules 100 000 exportent, soit à peine 8 % d'entre elles. « Pour certaines entreprises, surtout les plus innovantes, l'export constitue le moteur de leur développement. Pour d'autres, c'est juste la cerise sur le gâteau », commente Henri Baïssas, directeur général adjoint d'Ubifrance, agence française pour le développement international des entreprises.

Premier souci à l'export: l'entreprise elle-même. S'aventurer à l'international, c'est avant tout la volonté de son dirigeant. « C'est à la fois la force et le talon d'Achille des PME. Tout dépend de la vision du chef d'entreprise. Si ce dernier ne croit pas à l'international, il ne se passera rien », assure Robert Haenel, fondateur du site LesPMEexportent.com. Le barrage est donc en premier lieu constitué de freins psychologiques: peur de l'inconnu, prise de risque financier jugé trop important, etc. L'export, c'est finalement souvent plus une opportunité qui se présente qu'une réelle volonté de se développer par ce biais. D'autant que la démarche est chronophage et que le dirigeant manque de temps pour mener à bien ce projet.

L'effort supposé apparaît démesuré pour attaquer ces nouveaux marchés mais surtout pour s'y maintenir. Les statistiques leur donnent raison. Ainsi, sur 100 entreprises nouvellement arrivées sur les marchés étrangers en 2000, seules 30 d'entre elles y demeurent à l'horizon d'un an et elles ne sont plus que 21 l'année suivante, selon les chiffres du Commerce extérieur publiés en août 2010. Au final, seuls huit primo-exportateurs de 2000 sont présents en continu jusqu'en 2009. « L'export n'est pas une entreprise de courte durée, souligne Jean-Claude Karpelès, délégué du président de la chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP) pour les questions internationales. Ce n'est pas parce qu'une société réalise quelques affaires dans un pays qu'elle y est forcément implantée durablement. »

L'entreprise est-elle son propre ennemi? Pour Jean-François Goxe, manager spécialisé en commerce international au sein du centre de formation Cegos, l'innovation est un gage de durabilité sur un marché donné: « pour être compétitives à l'international, les PME doivent innover en permanence et, surtout, ne pas se reposer sur un seul produit. » Certes, la France peut se prévaloir d'un grand nombre de petites entreprises innovantes, qui évoluent sur des marchés de niche. Mais elles ne sont pas pour autant protégées contre certains écueils. Tout d'abord, quelle est la pertinence du produit sur un marché donné? Il faut étudier la spécificité de chaque pays. Ce n'est pas parce qu'un produit se vend bien en Belgique, qu'il rencontrera le même succès en Allemagne! Pour Henri Baïssas (Ubifrance), « il est important de savoir faire des choix, de sélectionner les produits de sa gamme et d'adapter son marketing et packaging aux spécificités de chaque marché ». L'idée est de prendre conscience de la concurrence locale: le produit existe-t-il déjà? Les entreprises locales ont-elles un savoir-faire reconnu? Quelle pourrait être la valeur ajoutée de la PME française?

De plus, l'entreprise peut se retrouver confrontée à la problématique des normes locales. Certains produits, dans les secteurs de l'agroalimentaire, de la pharmaceutique ou des technologies de pointe notamment, ne trouveront pas d'accréditation à l'étranger, même s'ils sont con formes aux normes françaises. Une solution consisterait alors à obtenir une normalisation internationale de type ISO, mais c'est un processus coûteux et long, qui s'étale sur plusieurs mois. De même se pose la question de la propriété intellectuelle. En effet, même si la protection de la marque, des brevets, des dessins et des modèles est un outil qui permet aux entreprises de sécuriser leurs échanges commerciaux, elle représente des frais supplémentaires. De plus, cette protection n'est pas toujours reprise d'un pays à l'autre: ce qui est déposé en France n'est pas valable pour une protection sur le marché chinois, par exemple, qui possède son propre système de brevets. Difficile alors de déjouer les actes malveillants de la concurrence! S'aventurer à l'international nécessite donc un panel de connaissances (linguistiques, juridiques, etc.) qui fait cruellement défaut dans les petites structures. « Les PME ne disposent pas d'une batterie d'avocats, de juristes ou d'experts financiers qui leur permettraient de se préparer au droit local et de limiter le risque de contentieux », observe Jean-Claude Karpelès (CCIP). Le manque de temps est à corréler avec l'insuffisance de moyens humains et financiers. Faut-il alors recruter une équipe commerciale ou une équipe support dédiées au développement à l'étranger? Encore trop cher pour une PME. Certains experts voient alors dans le volontariat international en entreprise (VIE) une alternative à moindre coût pour attaquer un pays cible.

Trop d'acteurs? Le volontariat international en entreprise permet aux entreprises françaises de confier à un jeune (jusqu'à 28 ans) une mission professionnelle à l'étranger durant une période de six à 24 mois. Ce stagiaire pourra démarcher à la place du dirigeant les marchés convoités.

Mais le VIE fait débat. Ceux qui le plébiscitent y voient un gain de temps considérable pour l'entreprise et une solution aux problèmes d'effectif. Cette alternative restera toujours moins chère et plus simple que le recrutement immédiat d'un salarié dédié au commerce international. La limite du VIE? Son approche généraliste et son profil peu expérimenté. Le candidat est surtout doté de compétences commerciales. Si l'entreprise évolue sur un marché qui demande des connaissances techniques pointues, le VIE risque de se révéler peu efficace...

Ainsi, pour s'investir sur la scène internationale, encore faut-il que les PME disposent de moyens adaptés à leur champ d'action. Les chefs d'entreprise n'attendent pas spécialement une politique d'aide, mais plutôt d'accompagnement. La plupart d'entre eux identifient bien les principaux dispositifs d'aides financières, du type Oséo, mais déplorent le trop grand nombre d'acteurs dont le but est de promouvoir l'export. La multiplicité des dispositifs rend in fine la démarche trop complexe. Le chef d'entreprise ne sait plus lequel sera le plus pertinent pour sa situation.

De plus, aucun distinguo n'est opéré entre PME et grands groupes, qui n'ont pourtant pas les mêmes problématiques et besoins. Un exemple? L'assurance-crédit export proposée par la Coface. Elle fournit des renseignements sur les clients et évalue leur solvabilité. Elle est donc utile pour se prémunir contre les risques d'impayés, « mais son coût reste trop élevé pour une PME qui ne dispose que d'un budget limité pour se lancer à l'international », regrette Jean-François Goxe (Cegos). De plus, certains risques ne sont pas pris en compte par les assurances, comme la perte de marchés en cas de guerre ou de catastrophe naturelle. Dans ces cas-là, les PME en détresse peuvent s'orienter au choix vers les missions économiques mises en place par l'Etat ou les aides des chambres de commerce à l'international. Mais quand l'actualité étrangère devient explosive, ces dispositifs sont vite débordés. Un certain nombre de petites entreprises ont pu en faire la triste expérience dernièrement. Le dirigeant de Biolabo, Jean-François Charpentier, amène son entreprise de produits pharmaceutiques là où les autres PME ne vont pas: Iran, Vietnam, Togo... Au début de l'année, il a perdu des marchés en Côte d'Ivoire, en Lybie et en Egypte. Son réseau, construit en plusieurs années, s'est effondré en quelques jours. « Nous avons dû faire face à une situation complètement bloquée: des paiements au compte- gouttes, pas de commandes supplémentaires. Et surtout, une grande légèreté de la part de la diplomatie française qui n'a prévu aucun système pour soutenir les PME dans de tels cas », regrette Jean-François Charpentier. Les entreprises françaises, qui se laissent séduire par l'export, ne bénéficient d'aucun suivi une fois sur place. « A moins de s'appeler Total ou Areva... », dénonce le chef d'entreprise.

EN CHIFFRES

A SAVOIR

- LES PRIMO-EXPORTATEURS EN CHIFFRES
Les primoexportateurs, c'est-à-dire les entreprises exportant pour la première fois depuis au moins cinq ans, sont de moins en moins nombreux et pèsent de moins en moins lourd dans les exportations françaises.


- 24 909, c'est le nombre de primo-exportateurs en 2000 contre 17 031 en 2009 (soit respectivement 24 % et 19 % du total des exportateurs).


- Trois quarts de ces primo-exportateurs sont des PME de moins de 20 salariés.


- 14 000 euros en moyenne, c'est le montant total annuel de leurs exportations.


- Deux produits en moyenne sont exportés.


- Deux pays sont généralement ciblés.


Source: Douanes françaises, août 2010.

TEMOIGNAGE

L'instabilité politique ne permet pas un développement serein
AURELIE KOSTIKA, dirigeante de Kostka


« Nous sommes seuls, impuissants. » Le constat d'Aurélie Kostka, dirigeante de l'entreprise de faïencerie éponyme sonne presque comme un cri du coeur. En quelques jours, elle a perdu de belles opportunités de business, suite aux différents événements politiques survenus au Moyen-Orient. Pourtant, fin 2010, tout s'annonce pour le mieux. Aurélie Kostka multiplie les salons professionnels de décoration d'intérieur, et les contacts par la même occasion. Elle signe deux devis pour fournir en lampes des hôtels en Arabie Saoudite et au Liban, renouvelle les commandes avec son client égyptien avec qui elle traite depuis deux ans. Elle entame même des négociations avec des distributeurs algériens. Puis la situation se dégrade. Le magasin du client égyptien est détruit, ce qui représente un manque à gagner de 120 000 euros pour Kostka, auxquels s'ajoutent des commandes annulées au dernier moment du Liban et de l'Arabie Saoudite: près de 40 000 euros au total. Le contact algérien ne donne plus aucune nouvelle et ce sont 12 000 euros de commande potentielle qui s'envolent. « Les marchés sont bloqués, décrit Aurélie Kostka. De notre côté, nous relançons régulièrement nos clients, en vain. C'est difficile à accepter car l'engouement pour le produit est là, mais les problèmes politiques ont tout annulé. » Kostka n'a pas perdu d'argent (la société réalise ses commandes après paiement), mais du potentiel de chiffre d'affaires. Si ces commandes avaient été validées, la PME aurait augmenté son chiffre d'affaires sur cette zone géographique de 5 %.


KOSTKA - Repères
- ACTIVITE: Faïencerie
- VILLE: Saint-Mihiel (Meuse)
- FORME JURIDIQUE: SAS
- DIRIGEANTE: Aurélie Kostka, 36 ans
- ANNEE DE REPRISE: 2006
- EFFECTIF: 23 salariés
- CA 2010: NC

TEMOIGNAGE

Nous sommes confrontés à une concurrence locale trop forte
YVES COUILLARD, dirigeant d'Hussor


Hussor, entreprise spécialisée en coffrages métalliques, ne peut compter que sur le marché français pour se développer. Son produit, utile aux constructions en béton, n'est pas adapté aux marchés étrangers, les normes de construction étant différentes d'un pays à l'autre. Il y a un an, Hussor a bien essayé de s'attaquer au marché allemand mais l'entreprise s'est confrontée à un refus des grands groupes locaux qui ne voulaient pas parier sur la technologie française. Pourquoi alors ne pas innover pour concevoir un produit adapté aux normes étrangères? Le dirigeant d'Hussor, Yves Couillard, n'y songe pas. « Sur place, nous serions de toute façon confrontés à la concurrence de ceux qui connaissent les méthodes de construction locales depuis longtemps et qui ont donc plus d'expérience. Nous irions droit à l'échec. » Hussor exporte tout de même 20 à 30 % de son chiffre d'affaires, mais uniquement au Benelux, où les techniques de construction sont les mêmes qu'en France. Le regret du dirigeant quant à la démarche export des PME? « Il y a beaucoup trop de structures de conseil, mais elles ne sont pas assez opérationnelles. » Une absence d'accompagnement qui lui aurait peut-être évité l'échec outre-Rhin.

HUSSOR - Repères

- ACTIVITE: Bâtiment, fabricant de coffrages métalliques
- VILLE: Lapoutroie (Haut-Rhin)
- FORME JURIDIQUE: SAS
- DIRIGEANT: Yves Couillard, 64 ans
- ANNEE DE REPRISE: 2006 EFFECTIF: 111 salariés
- CA 2010: 20 MEuros

HENRI BAISSAS, directeur général adjoint d'Ubifrance.

Il faut savoir faire des choix, sélectionner ses produits et adapter son marketing et packaging aux spécificités du marché visé.

 
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Céline Tridon

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