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REUSSIR UNE FUSION, UNE HISTOIRE D'HOMMES ET DE CULTURES

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Le succès d'une fusion ne se résume pas à une histoire de chiffres. Il faut aussi réunir harmonieusement deux cultures et deux organisations. le secret d'une fusion se situe, bien plus qu'il n'y paraît, dans le rapprochement des hommes... Méthodes pour réussir.

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@ FOTOLIA/ REMY VALLEE

Des cadres qui défendent férocement leurs prérogatives, des salariés qui font de la rétention d'informa tion ou quittent le navire... Conçues à l'origine pour réaliser des économies d'échelle, les fusions deviennent souvent sources de conflits et de tensions sociales. Une situation qui peut dégénérer et nuire à l'équilibre financier de l'entreprise. «Une grande partie des fusions se passe mal, parce que rien n'est mis en oeuvre pour que les salariés s'approprient la nouvelle entité et le nouveau contexte», déplore Alain Bayle, du cabinet de conseil en management APV RH. Une affirmation corroborée par un rapport du cabinet de conseil en management Hewitt Associates Rapport mondial de Hewitt, «M&A Transactions and the Human Capital Key to Success», sur la base des réponses de 96 multinationales, représentant plus de 568 milliards de dollars US en volume de transactions sur les deux années passées. , publié en mai dernier: les grandes entreprises européennes ayant participé à l'étude ont ainsi perdu, à cause d'un management inadapté lors d'une fusion, près de 12,5 milliards d'euros pour les seules années 2007 et 2008. Moins préparées, les PME sont forcément encore plus exposées. Pour éviter cet écueil, encore faut-il connaître les problèmes auxquels vous pouvez être confronté en termes de management. Les inquiétudes des salariés, et en premier lieu de l'encadrement, se focalisent tout d'abord autour de la hiérarchie: qui va devenir le chef de qui? «Les sensibilités s'exacerbent car les responsabilités de chacun sont remises en cause dans une fusion. C'est un saut dans l'inconnu qui donne lieu à des luttes de pouvoir, analyse Michael Picarello, directeur associé de RH Partners, cabinet de conseil en ressources humaines. Il faut donc établir et diffuser rapidement le nouvel organigramme, en précisant les responsabilités des uns et des autres.» Sa mise en place permet de rassurer les salariés sur leur poste et de couper court aux rumeurs qui alimentent les craintes. Alain Bayle (APV RH) conseille de structurer, si possible, le nouveau comité de direction dans le mois qui suit la fusion. «Pour ne pas entamer le sentiment d'équité, il faut veiller à constituer une équipe de management panachée et équilibrée au regard de la taille des structures qui fusionnent», ajoute l'expert.

Pierre Trémolières, président du groupe Elbee

«Nous avons conservé les deux sites, pour ne pas perturber les salariés de l'entreprise rachetée.»

Prendre le temps de négocier. Vient ensuite l'harmonisation des modes de rémunération. Part variable du salaire, nombre de jours de RTT, montant des titres-restaurant... Obligatoire avec les représentants du personnel pour un effectif de 50 salariés et plus, la négociation doit permettre de lisser les avantages sans trop alourdir les charges. Une discussion qui peut être rude et longue. «Il faut du temps pour que les uns renoncent à leurs avantages de façon à combler les écarts entre salariés», souligne Alain Bayle. Autre dossier sujet à tensions: les modes d'organisation et leur harmonisation. Là aussi, il est conseillé d'établir l'inventaire des écarts entre les deux modes de fonctionnement: qui fait quoi et quand? Une étape qui peut durer, selon Alain Bayle, entre deux et quatre mois pour une entreprise de moins de 100 salariés. L'idéal est de constituer des groupes de travail réunissant des représentants des deux structures. «Lors de ces réunions, il faut accepter que les salariés se plaignent. Créer une zone d'écoute de 30-45 minutes au cours de laquelle ils peuvent exprimer leurs craintes les rend, par la suite, plus aptes à vous écouter», affirme l'expert. Sous couvert d'objectifs très opérationnels, tels que la redéfinition de l'organisation des relations avec les clients, vous leur permettez d'évacuer leur stress né de la fusion. C'est de cette façon que trois consultants d'APV RH ont procédé lors de la fusion de deux agences de conseil média ayant un mode d'organisation très différent. «Grâce à ces groupes de travail, les salariés ont eux-mêmes réglé leurs problèmes, souligne Alain Bayle. Ils ont d'autant mieux accepté les nouvelles règles de travail qu'ils les ont définies ensemble.» D'où la nécessité pour les dirigeants de bien communiquer durant cette phase de transition. La transparence est le seul moyen de gagner la confiance des salariés, en exposant les chances de réussite et les risques d'échec.

Joseph Abi Aad, directeur associé ics-interconsultants

«Parler de respect est abstrait et subjectif. Les salariés doivent savoir ce que cette valeur implique dans l'entreprise, au jour le jour.»

Modifier en douceur les habitudes sociales. Cependant, la conduite du changement des habitudes professionnelles ressemble à une promenade de santé à côté de la modification des habitudes sociales. Sujet sensible, la culture d'entreprise rassemble des valeurs très ancrées, formalisées ou non: la manière dont les salariés répondent aux clients, les habitudes concernant les pauses-café ou même les règles qui régissent l'organisation au parking... «Lors d'une fusion-acquisition, les dirigeants se concentrent en priorité sur le changement des habitudes professionnelles et négligent trop souvent les habitudes sociales», regrette Joseph Abi Aad, directeur associé du cabinet de conseil en management ICS-Interconsultants. Or, celles-ci sont souvent le reflet de valeurs fortes vécues, par le personnel, comme le centre de sa culture d'entreprise. Ainsi, une simple décision réglementaire peut se révéler catastrophique en termes de ressources humaines. Par exemple, obliger les salariés à arriver au bureau à 8 heures, alors que certains avaient pour habitude d'arriver plus tard, peut soulever des rébellions silencieuses: allongement du temps de pauses-café ou cigarette, refus de terminer une tâche après l'heure exacte de fin de journée, etc. La solution peut être, alors, de ne pas rapprocher physiquement les équipes. C'est l'option choisie par Pierre Trémolières, président du groupe Elbee, éditeur d'un site d'e-commerce spécialisé dans la décoration et l'équipement de la maison. Lors de la fusion de sa société avec Decoclico.fr, il s'est contenté de rapprocher les méthodes de travail. Les six salariés de Decoclico.fr sont restés dans leurs locaux, ne modifiant que leur manière de référencer les produits. «J'ai voulu les laisser dans leur cadre de travail, et surtout ne pas perturber leur système de valeurs», explique le dirigeant. Mais cette solution extrême n'est pas sans inconvénient (gestion de deux adresses, de deux organisations...) et ne convient pas, loin s'en faut, à tous les cas de fusion. Le conseil de Joseph Abi Aad? Cartographier les habitudes sociales des deux entreprises, afin d'en déceler les différences et surtout les incompatibilités: quand les salariés se réunissent-ils? Pour discuter de quoi? Dans quels cas vont-ils voir la direction plutôt que leur chef direct? Par quel biais - réunions ou notes collectives - la direction communique-t-elle? Comment résouton les conflits? Autant de points qui doivent être listés avant la réunion des deux effectifs dans les mêmes locaux. Après ce repérage, reste à ériger des valeurs partagées et fédératrices. Joseph Abi Aad recommande, là aussi, de constituer des équipes mixtes, qui définissent concrètement les valeurs et surtout les traduisent dans un comportement quotidien. «Car parler de respect, par exemple, est abstrait et subjectif, explique le consultant. Les salariés doivent savoir ce que cette valeur implique dans l'entreprise au jour le jour.» Lors de la fusion d'une PME travaillant sur le crédit et d'une agence bancaire, cette méthode a été appliquée «avec succès», poursuit l'expert. Au départ, les valeurs presque associatives des consultants de la première structure semblaient incompatibles avec la culture de la maîtrise du risque et du gain des banquiers. Au final, la nouvelle équipe a trouvé une culture commune, en adoptant des valeurs mariant les deux. Mais tout le monde n'ajuste pas facilement son comportement. Vous devez donc vous assurer que le changement a été accepté par tous. Outre les entretiens avec la direction, il existe des indicateurs forts: l'absentéisme, le nombre de conflits entre salariés, d'erreurs répétées relevées dans les processus... Ces symptômes permettent de détecter si un problème persiste et lequel. Gageons qu'en appliquant ces quelques principes de précaution, vous arriverez à les éviter.

MICHAEL PICARELLO, directeur associé RH-partners

«La fusion est un saut dans l'inconnu qui donne lieu à des luttes de pouvoir.»

Témoignage Robert Oriez, p-dg d'ECE Cogemacoustic: il faut être tous les jours sur le pont

La fusion de ses deux sociétés a coûté à Robert Oriez au moins 300 000 euros en six mois, du seul fait d'une baisse de la productivité. Pourtant, le p-dg avait préparé les salariés de longue date. en juillet 2008, les 50 personnes de l'entreprise d'aérage en souterrain ECE, basée à Rochechouart, rejoignent ceux de Coremo, une PMI de mécanique située à limoges, à 40 kilomètres de là. «Mais, raconte Robert Oriez, il y a de nombreux désagréments que l'on n'envisage pas au départ. Des dysfonctionnements qui sont générateurs de doutes et de stress. Au final, 20 salariés nous ont quittés en dix-huit mois.» Cela, malgré une prime mensuelle de 150 euros versée pendant les deux premières années, le remboursement des frais de transports publics entre les deux villes, et tous les trois mois, des réunions d'information...
Malgré tout, environ 10% des premières défections viennent des salariés du site de Rochechouart. la raison invoquée: l'éloignement travail-domicile. De plus, de la mauvaise humeur et des désaccords naissent des départs au sein des équipes de chaudronniers et de mécaniciens.
Même au niveau de l'encadrement, le chef d'entreprise doit faire face à des tensions : «Le changement d'organigramme a provoqué des jalousies. Chaque jour, il fallait être sur le pont pour recoller les morceaux.» Pour souder les équipes, Robert Oriez instaure une courte réunion quotidienne des chefs d'ateliers et chargés d'affaires. De plus, le dirigeant harmonise les avantages sociaux par le haut, malgré des charges supplémentaires. Grâce à ses efforts dans la gestion des ressources humaines, la situation est en constante amélioration.


GROUPE ECE COGEMACOUSTIC - Repères
ACTIVITE : Aérage en milieu souterrain et mécanique de précision
VILLE : Limoges (Haute-Vienne)
FORME JURIDIQUE : SAS
DIRIGEANT :Robert Oriez, 77 ans
ANNEE DE CREATION: 1968
EFFECTIF : 55 salariés
CA 2008 : 7,5 MEuros

 
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Jeanne Cavelier

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