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Réussir une TRANSMISSION FAMILIALE

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L'heure de la retraite approche et l'un de vos enfants brûle de prendre la relève? Pour lui passer la main dans les meilleures conditions, une règle d'or: anticipez votre départ, afin d'épargner à votre famille de mauvaises surprises lors de la succession.

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Ma plus belle victoire sera de réussir à transmettre mon entreprise.» A 63 ans, Gilbert Allard, gérant de la Maison Malartre, une conserverie haut de gamme de 17 salariés, vient de faire valoir ses droits à la retraite. Resté actionnaire majoritaire, il s'est fixé jusqu'au 1er février 2008 pour se désengager complètement de la PME et régler définitivement sa succession. Sur les rangs pour reprendre l'affaire: sa fille Caroline et son responsable de site, un ingénieur agroalimentaire embauché il y a quatre ans. Détenteur du titre de «Maître artisan», Gilbert Allard préfère prendre son temps: pas question de céder à la va-vite une entreprise qu'il considère comme son troisième enfant. «Ce que je souhaite avant tout, c'est garantir la pérennité de mon entreprise. L'argent passe au second plan», confie-t-il.

Mettez en selle votre successeur.

Souvent vécue comme un déchirement alors qu'elle devrait, dans l'idéal, être un acte de gestion comme un autre, la transmission d'une entreprise ne s'improvise pas. Car plus le cédant prend de temps pour mûrir son projet, plus il multiplie les chances de réussite. Tel est le constat de Christine Singlard, directrice de l'Ecole des managers de Rodez, un programme de formation à destination des futurs repreneurs, dispensé au sein des chambres de commerce et d'industrie. «Si le dirigeant tombe malade sans avoir préparé sa succession, c'est aux enfants de revoir l'organisation du patrimoine familial. Or, comme il n'y a plus personne pour arbitrer entre les intérêts de chacun, c'est la porte ouverte aux conflits.» Sans compter qu'une transmission mal préparée fragilise l'entreprise: selon une enquête publiée par Oséo en 2005, une transmission sur cinq aboutit à un échec avant six ans. Première question à vous poser: votre progéniture est-elle prête à vous succéder? «Les transmissions familiales sont souvent complexes, parce qu'elles mélangent enjeux d'entreprise et enjeux familiaux, observe Loïc Maherault, consultant au cabinet de conseil en stratégie Altidiem. Il arrive que la décision du successeur soit prise par les parents, qui voient là un moyen de garder le contrôle de l'entreprise. Quant aux enfants, ils l'acceptent parfois davantage par reconnaissance que par désir de diriger une entreprise.» D'ailleurs, tous les enfants n'ont pas forcément les mêmes talents, ni les mêmes aspirations que leurs parents. Le conseil de Loïc Maherault? Restez à leur écoute. Assurez-vous que celui que vous voulez adouber est réellement porteur d'un projet de développement pour votre entreprise. A l'inverse, demandez-vous si vous êtes vraiment prêt à passer la main. Que ferez-vous si votre successeur prend une décision que vous désapprouvez? En maintenant l'entreprise dans le giron familial, vous risquez d'être tenté d'intervenir. Cyril B. en a fait l'amère expérience. En reprenant la moitié des parts de l'entreprise familiale, une PMI de 32 sala riés, et en laissant à son père et ses oncles l'autre moitié, il estime qu'on lui a fait un cadeau empoisonné. «Non seulement mon père ne m'a pas laissé décider librement, mais lui et ses frères n'arrivaient pas à s'entendre pour organiser la transmission.» Sept ans après, le jeune homme a fini par claquer la porte, se fâchant au passage avec une bonne partie de sa famille.

AVIS D'EXPERT

DOMINIQUE CAIGNART, Directeur du réseau Ile-de-France d'Oséo
La transmission familiale est plus sûre
Pour cet expert en transmission, cela ne fait aucun doute: les entreprises transmises à un membre de la famille sont plus pérennes que les autres. «Le dirigeant peut faire mûrir le projet pendant longtemps sans mettre l'entreprise en péril. Par ailleurs, il n'y a aucun risque pour que la société vendue soit survalorisée, ni pour que le cédant cache ses points faibles.» D'ailleurs, les chiffres parlent d'eux- mêmes: selon une enquête réalisée par Oséo, en juin 2005, la connaissance de l'entreprise par le repreneur est un facteur incontestable de succès, rapportant à zéro le niveau de risque des transmissions familiales. Selon Dominique Caignart, il existe néanmoins un risque potentiel, lié à la capacité du repreneur à endosser le rôle de dirigeant. Pour le prévenir, l'expert conseille au successeur de se faire accompagner par un organisme spécialisé, et de suivre une formation à l'Ecole des managers. «Il faut impérativement que le repreneur ait été associé à l'ensemble des décisions de l'entreprise, insiste-t-il. La plupart du temps, c'est un très bon technicien mais qui n'a jamais exercé de fonctions transversales, ni de management.» Les Ecoles des managers, intégrées aux chambres de commerce et d'industrie, proposent des formations qui durent entre 9 et 12 mois, et se décomposent en trois étapes: acquisition des connaissances fondamentales, autodiagnostic de l'entreprise à reprendre et élaboration d'un plan d'action individualisé.

A savoir

- UN COUP DE POUCE FISCAL POUR LES RETRAITES Depuis le 1er janvier 2006, les dirigeants qui cèdent l'ensemble de leurs titres et font valoir leurs droits à la retraite sont exonérés d'impôt sur les plus- values. Seule condition: avoir dirigé la société pendant les cinq années qui précèdent la cession et avoir détenu au moins 25 % de son capital social. Par ailleurs Je départ à la retraite doit intervenir dans Tannée qui suit la cession. L'exonération octroyée ne concerne que l'imposition de 16 % prévue sur les gains nets et exclut les prélèvements sociaux: vous serez donc contraint de verser 11 % de contributions sociales prélevées.

Une transmission peu lucrative.

Sur le plan purement financier, la transmission nécessite un sacrifice de la part du dirigeant. Si tant est qu'il opte pour la revente, il devra, la plupart du temps, revoir ses prétentions à la baisse pour aider son enfant à reprendre l'affaire. «La transmission familiale n'est pas la meilleure façon de valoriser le patrimoine. Loin s'en faut: entre une transmission familiale et la revente à un tiers, le delta peut varier du simple au double», affirme Loïc Maherault, du cabinet Altidiem. Cela pose problème, par exemple, lors que le dirigeant entend tirer de la vente un complément de retraite. Et même si la situation profite à l'enfant, ce dernier aura tout intérêt à se positionner comme dirigeant au lieu de se contenter de recevoir l'entreprise des mains de son père. C'est ce qu'a fait Gilbert Allard, de la conserverie Malartre, en faisant entrer sa fille dans l'entreprise. Son objectif: tester sa capacité à reprendre la main, et lui laisser le temps de peaufiner son projet. «Ce n'est pas parce qu'on hérite d'une entreprise qu'on la mérite, aime-t-il répéter. Avant de décider de lui confier les rênes, j'avais étudié la possibilité de revente à un tiers, de manière à ouvrir le champ des possibles.» Pour aider votre enfant à endosser son nouveau rôle, l'idéal est de le faire monter progressivement en responsabilités.

Embauchée à 23 ans dans la menuiserie familiale pour assurer le suivi des chantiers, Béatrice Mugnier, aujourd'hui âgée de 33 ans, la dirige depuis trois ans. C'est elle qui est à l'origine d'une nouvelle gamme de produits, les maisons à ossature en bois. En dix ans, elle a eu le temps de se former aux ficelles du métier. Quand son père a pris sa retraite, il y a trois ans, elle a donc naturellement pris la cogérance de la PME avec sa soeur, après avoir suivi une formation à l'Ecole des managers d'Annecy. «Si nous n'avions pas décidé de reprendre l'entreprise, mon père aurait probablement préféré la liquider», assure-t-elle.

Rassuré sur les compétences de votre descendance, vous devrez ensuite vous livrer à la partie la plus difficile de l'exercice: lui transmettre votre entreprise sans léser les autres membres de la lignée, ni vous démunir complètement. Comme le conseille Maître Marielle Poisson, directrice associée du cabinet d'avocats Episteme, «mieux vaut s'y prendre cinq ans à l'avance». L'entreprise représentant, généralement, la part la plus importante du patrimoine d'un dirigeant, la transmission familiale revient à anticiper, de votre vivant, le règlement de votre succession. D'ailleurs, une transmission non préparée peut devenir un véritable gouffre financier pour l'héritier, s'il s'avère incapable de payer les droits de succession.

Première précaution à prendre: si vous avez plusieurs enfants, la constitution d'une SCI vous permettra d'éviter les risques d'indivision qui, au moment du décès, peuvent entraîner la vente de l'entreprise. Le principe? La SCI permet au cédant d'attribuer, par donation-partage, une partie des titres à l'enfant qui lui succédera, sans que cette somme soit imposable, et de donner l'autre partie à ses frères et soeurs. Pour Marielle Pois son, «c'est la meilleure façon de dédommager financièrement les enfants qui ne souhaitent pas s'impliquer dans l'entreprise, puisqu'ils pourront, le cas échéant, revendre leurs parts». En cas de revente, lorsque, par exemple, les enfants ne s'entendent pas et veulent récupérer leurs parts, ou bien lorsque les parts données à titre gratuit n'atteignent pas la valeur de l'entreprise, la société reversera les dividendes au repreneur, ce qui lui permettra de rembourser son emprunt.

La donation-partage.

Mais pour le repreneur, la solution la plus intéressante, d'un point de vue fiscal, reste la donation-partage. Tout comme la donation classique, cette dernière vous permet de donner, tous les six ans, à chacun de vos enfants, jusqu'à 50000 euros exonérés de droits de donation. Si vous êtes marié sous le régime de la communauté, la valeur de la donation d'un bien commun s'élève à 100 000 euros par enfant. Autre avantage: contrairement à la donation classique, la donation-partage n'est pas rapportable à la succession de son auteur. Autrement dit, à votre décès, le notaire ne tiendra pas compte du montant donné pour déterminer la part de chacun de vos enfants. De plus, les biens partagés sont évalués au jour de la donation et non au jour du décès. «Si l'entreprise prend de la valeur, cela ne changera rien au calcul de la part de réserve, par exemple, d'un enfant né après la donation Les biens seront évalués d'après leur état à l'époque de la donation», précise Christine Singlard, directrice de l'Ecole des managers de Rodez Si vous voulez conserver l'usage du bien donné et continuer, par exemple, à toucher des dividendes, vous pouvez effectuer une donation- partage avec réserve d'usufruit Dans ce cas, vous ne cédez que la nue-propriété du bien L'avantage? Votre héritier ne paie de droits de succession que sur la valeur de la nue-propriété au jour de la donation «Cette formule est particulièrement intéressante lorsque le donateur est jeune, poursuit Christine Singlard Plus il vieillit et plus la valeur de la nue-propriété augmente» Seul inconvénient pour l'usufruitier ses droits de vote sont limités et ne peuvent porter que sur les décisions concernant l'affectation des bénéfices

TEMOIGNAGE
J'ai divisé le prix de vente par deux pour mon fils

MICHEL TESSIER, président de l'imprimerie Tessier
Entre Michel, le père, et Gerald, le fils, le passage de témoin s'est effectue en douceur Embauche il y a sept ans pour développer le site internet de l'imprimerie familiale, Gerald Tessier a pu faire ses armes avant de reprendre l'affaire, fin 2006, a l'âge de 35 ans «Au départ, je cherchais a vendre a un tiers, se souvient le père, fondateur de l'entreprise avec sa femme Mais lorsque mon fils s'est montre interesse par la reprise, j'ai décide de l'aider» Diplôme de l'école Estienne, Gerald Tessier connaît chaque métier de la chaîne graphique II a donc toutes les cartes en main pour pérenniser l'activité Restait a financer la reprise
Pour lui donner un coup de pouce, Michel Tessier décide de diviser par deux le prix de vente Il crée une holding de reprise pour hquidifier les parts et en cède le quart a son fils par donation A charge, pour le jeune repreneur, de rembourser a ses parents le dernier quart «Les choses se sont faites naturellement, précise Michel Tessier En cas de desaccord, nous discutons pendant les heures de travail, non en dehors» Depuis le début de l'année, le dirigeant, âge de 59 ans, a laisse les manettes a son fils Retraite, il ne travaille plus que troisjours par semaine, bénévolement «J'ai conserve mon bureau a l'imprimerie et je m'efforce d'épauler Gerald», confie Michel Tessier Cette année, ce sera au tour de la mère, également présente dans l'entreprise, de s'en aller


IMPRIMERIE TESSIER Repères


- ACTIVITE: imprimerie
- DIRIGEANT: Gerald Favre, 35 ans
- VILLE: Saint-Hilaire-de-Riez (Vendée)
- FORME JURIDIQUE: SAS
- EFFECTIF: 25 salaries
- CA 2006: 2,13 millions d'euros

Protégez vos héritiers en cas de décès prématuré.

Enfin, quels que soient les projets de vos enfants vis- à-vis de votre entreprise, il est recommandé de souscrire un engagement collectif de conservation, prévu par la loi Dutreil d'août 2005 En vertu de cette loi, les parts de l'entreprise transmises à titre gratuit sont exonérées de droits de mutation à hauteur de 75 % de leur valeur «Cette solution permet aux héritiers de se protéger en cas de décès prématuré du dirigeant», souligne Maître Rosa Riche, avocate au cabinet Fida. Pour cela, ils doivent s'engager collectivement à conserver, pendant au moins deux ans, 34 % du capital à transmettre, dans le cas d'une société non cotée. A la fin de ces deux années, les héritiers devront souscrire un engagement individuel de conservation d'une durée de six ans En outre, pendant cinq ans, l'entreprise doit être dirigée par l'un des signataires de l'engagement collectif «La signature de ce pacte n'engage pas les héritiers, poursuit Maître Rosa Riche Ce n'est qu'au moment de la succession qu'ils devront choisir s'ils veulent, ou non, conserver les titres pendant six ans »

MARIELLE POISSON, directrice associée du cabinet d'avocats Episteme

Afin que la transmission se déroule dans les meilleures conditions, il faut s'y prendre cinq années à l'avance.

MEMO Transmission familiale: deux outils à la loupe

Ces solutions permettent d'anticiper la transmission de l'entreprise. Elles organisent son actionnariat sur le moyen terme, mais aussi sa direction.
1 LA DONATION-PARTAGE
Utile si vous avez au moins deux enfants, la donation-partage vous permet d'anticiper le règlement de votre succession. Principal intérêt: contrairement à la donation classique, elle n'entre pas en ligne de compte dans la détermination des parts à transmettre à chaque enfant. De plus, elle fige à la date de l'opération la valeur des biens donnés. Au moment de la succession, lorsqu'il faudra vérifier que chaque enfant a bien reçu la part minimale que la loi lui réserve, les biens seront donc évalués au jour de l'acte, et non au jour du décès du dirigeant. Enfin, la donation- partage, tout comme la donation classique, donne droit à un abattement de 50000 euros par enfant, tous les six ans.


2 L'ENGAGEMENT COLLECTIF DE CONSERVATION
Redéfini parla loi Dutreil d'août 2005, cet engagement confère à au moins deux actionnaires un abattement de 75 % sur la base imposable au titre des droits de succession. Conditions à respecter? Le donateur et ses associés s'engagent à conserver à titre collectif au moins 34 % des parts du capital social pendant deux ans. Puis, à compter de la date d'expiration du délai de deux ans, chaque donataire ou héritier doit conserver les titres pendant au moins six ans. Parallèlement, l'un des signataires de l'engagement devra exercer des fonctions de direction pendant au moins cinq ans à compter du décès ou de la donation. De plus, le pacte offre la possibilité à l'éventuel repreneur de s'en saisir après le décès du dirigeant.

 
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Hélène Duvigneau

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