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[Interview] Thierry Marx : "Je crois en la consommation en conscience"

Publié par Céline Tridon le | Mis à jour le
[Interview] Thierry Marx : 'Je crois en la consommation en conscience'
© Jérôme Flament

À la tête d'un groupe de 480 collaborateurs, de six restaurants et de huit boulangeries à travers le monde, Thierry Marx n'en reste pas moins rattaché à l'essentiel : le monde rural. Au point d'y ouvrir une nouvelle école, dans laquelle les circuits courts seront privilégiés.

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Le secteur de la restauration est particulièrement impacté par les mesures prises pour lutter contre la crise sanitaire. Comment vivez-vous cette situation ?

C'est une situation difficile, anxiogène. 2019 était une année amputée par les mouvements sociaux : nous étions déjà, nous restaurateurs, en zone grise. En 2020, les conséquences de la Covid-19 ont épuisé notre trésorerie et nous en sommes à créer de la dette. Mais je n'ai pas pour habitude de me morfondre.

Sur quoi le secteur de la restauration peut-il s'appuyer pour s'en sortir ?

Avant la crise sanitaire, il y avait des signaux jugés faibles qui, aujourd'hui, s'accélèrent. Je parle, notamment, de la numérisation de notre métier, à travers des outils d'aide à la décision et tout ce qui facilite la vente à emporter. Cette dernière apporte une valeur ajoutée, mais elle ne suffit pas à faire vivre un établissement... On assiste aussi à l'émergence de dark kitchens [NDLR : des restaurants dont le modèle économique ne repose pas sur l'accueil du public en salle ou sur les ventes à emporter, mais sur les commandes et la livraison individuelle]. Ce sont des modèles nouveaux qui s'hybrideront avec les anciens standards.

Y aura-t-il un changement de la part des clients ?

Depuis l'Antiquité, on dit que l'homme n'a pas de besoins, mais des désirs. L'habitude d'aller au restaurant perdurera grâce au plaisir et au lien social que ce lieu favorise. Cela ne changera pas. En revanche, la consommation alimentaire pourra être modifiée, avec un intérêt plus grand pour la ruralité et les circuits courts, par exemple.

Les Français sont-ils plus préoccupés par ce qu'ils mangent ?

L'anonymisation de l'alimentation est, en effet, remplacée par une " réidentification " de l'alimentation : je veux savoir ce que je mange, même si j'ai peu de moyens. D'autant que, durant cette période de crise sanitaire, des études ont démontré que ceux qui ont une alimentation plus saine résistent mieux à la maladie. Les gens se disent que, s'ils veulent protéger leur santé, ils ont intérêt à mieux manger. C'est une absolue nécessité. Mais, en face, il y a aussi le réflexe du low cost. Après tout, on voit arriver une zone de turbulences économiques qui sera violente en termes de coût social. Grâce au low cost, on pense faciliter la vie des personnes en difficulté, ce qui est une grave erreur.

Le low cost reste un argument très entendu...

Il faut être vigilant et défendre une économie de la qualité. Warren Buffett disait que le prix n'est pas la valeur. La valeur est ailleurs. Quand vous vendez une baguette de pain 65 centimes d'euros, vous ne le faites pas pour ceux qui ont peu de moyens, vous le faites pour créer du flux en magasin. De même, cet oeuf qui est payé 20 centimes d'euros à un producteur, comment est-il transformé ? Comment arrive-t-il à un prix agréable à payer et agréable à manger ?

Faut-il éduquer davantage le consommateur ?

Il faut, au moins, lui faire comprendre que son paiement a du sens. Je crois en la consommation en conscience. Cela passe aussi par les entreprises qui peuvent avoir un impact social ou environnemental. D'ailleurs, le monde de l'entreprise l'a plutôt anticipé, en s'emparant du sujet de la RSE depuis quelques années. Maintenant, le chef d'entreprise est plus médiatisé pour ses engagements que l'homme politique. Ce dernier se livre à des effets d'annonce, il ne met pas en pratique. Le chef d'entreprise, lui, suit un projet et développe quelque chose de concret.

Vous avez ouvert le Thierry Marx Collège à Souillac, dans le Lot, pour mettre en place une formation Bachelor. Qu'est-ce qui vous a motivé ?

L'école est ouverte à de jeunes cuisiniers tentés par la professionnalisation autour des concepts du zéro déchet et des circuits courts. Il est important de rétablir la connexion avec le monde rural, de créer des économies symbiotiques et d'en finir avec les verticalités entre Lille, Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux... Si on laisse la France des terroirs et des territoires se déliter, on va vers la fracture. Il faut retourner vers ce monde rural et retravailler sur les circuits courts. De même, il faut inviter les étudiants à venir voir cette ruralité : il y a des opportunités incroyables, de l'impact social, environnemental. Ils peuvent y créer de grandes choses.

Et quelle est la place des entreprises ?

Les PME, que je considère comme la colonne vertébrale de la France, ont intérêt à s'installer en province, à s'y développer et à créer leur propre CFA, ou hybrider avec d'autres CFA pour apporter de nouveaux métiers. L'État a une part de responsabilité dans les transports ou l'arrivée du numérique dans de bonnes conditions. Mais le rôle des entrepreneurs est de s'implanter dans des territoires et d'y insuffler une dynamique économique. C'est ce que nous avons fait, avec mon équipe et Cuisine mode d'emploi(s). Nous avons créé 14 écoles dans des quartiers dits prioritaires. En moins de dix ans, nous avons organisé des formations itinérantes pour favoriser partout une dynamique de transmission de savoir-faire.

1959

Naissance à Paris (20e).

1999

Obtient deux étoiles au Guide Michelin pour le Château Cordeillan-Bages (Gironde).

2006

Élu chef de l'année par le Gault & Millau.

2011

Devient chef exécutif et directeur de la restauration au Mandarin Oriental, Paris.

2012

Ouvre sa première école Cuisine mode d'emploi(s) à Paris.

2016

Ouvre sa première boulangerie à Paris.

2020

Inaugure une formation Bachelor à Souillac (Lot).

 
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