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DossierPrélèvement à la source : la dernière ligne droite

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2 - Êtes-vous prêts ?

À quelques mois de la mise en place du prélèvement à la source, la question n'est plus de savoir si on doit y aller - le Gouvernement a récemment répondu à cette question - mais comment. Il s'agit de s'assurer que l'on est prêt techniquement et de commencer à adopter une nouvelle organisation.

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Face aux nombreuses levées de bouclier contre la réforme du prélèvement à la source, des entreprises ont pu tomber dans un certain attentisme, pensant qu'elle ne verrait pas le jour. Les derniers doutes présidentiels ont failli leur donner raison... Mais non ! La réforme sera bien appliquée à partir du 1er janvier 2019 et il est donc plus que temps de se pencher sur sa mise en oeuvre. Car même si l'administration fiscale se veut rassurante quant à la simplicité de la mise en oeuvre, le prélèvement à la source nécessite une certaine préparation. En effet, avec le prélèvement à la source, les entreprises deviennent des acteurs de l'impôt. C'est à elles qu'incombe le rôle de "tiers collecteurs" , c'est-à-dire de recevoir et d'appliquer le taux qui permet de calculer le montant de l'impôt, mais également de prélever les sommes des salaires et de les transmettre à l'administration fiscale. Un rôle qui ne s'improvise pas. Alors, êtes-vous prêt ?

Mettre en place la simulation avec son éditeur

"À quelques mois de la mise en place du prélèvement à la source, il n'est plus temps de se demander de quoi on parle. Il faut se demander rapidement qu'est-ce que cette réforme va apporter comme changements dans son entreprise", pointe Maître Colin Bernier, avocat associé chez EY Société d'Avocats. Première étape essentielle : se rapprocher de son éditeur de logiciel de paye. "Sur le sujet du prélèvement à la source, les entreprises sont dépendantes des éditeurs car ce sont eux qui vont traiter les données. Il faut donc se renseigner pour savoir comment cela va fonctionner, ne serait-ce que pour savoir quels moyens humains mettre en oeuvre", estime Émeline Aubry, responsable sociale et juriste chez Exco.

Entrer en contact avec son éditeur permet aussi de se rassurer sur sa préparation. Stéphane Couderc, adjoint au directeur du projet prélèvement à la source de la DGFIP, conseille de demander à son éditeur s'il a bien signé la charte avec la DGFIP, de connaître le calendrier de livraison, de savoir si la préfiguration peut être mise en place, etc... "Il s'agit donc de poser à votre fournisseur des questions précises sur ce qu'il a fait pour préparer le basculement". Dans cette dernière ligne droite, il est également important de lui demander une simulation. En effet, à partir d'octobre, il sera possible de faire apparaître l'impôt à la source sur les fiches de paie. De quoi s'assurer que tout fonctionne convenablement.

Mis à part ce calage avec son éditeur, la partie technique du prélèvement à la source ne présente pas de difficultés. "D'un point de vue technique, c'est simple ! Beaucoup plus, d'ailleurs, que la DSN, qui a nécessité trois ans de mise en oeuvre", commente Guillaume Rejou, Senior Alliance Manager chez Sage France. C'est d'ailleurs la DSN (déclaration sociale nominative) qui va permettre la communication avec l'administration fiscale : si celle-ci fonctionne correctement, le prélèvement à la source ne représentera que quelques paramétrages supplémentaires. La phase 3 de la DSN doit donc avoir été bouclée avec succès.

Imaginer les procédures et la charge de travail

Pourtant, cette réforme va demander de gros efforts organisationnels de la part des entreprises, qui vont recevoir, de l'administration fiscale, le taux à appliquer pour chaque salarié, l'appliquer correctement aux salaires, reverser à l'État le montant prélevé... Et traquer les éventuelles erreurs. "Il faut absolument mettre en place des contrôles pour s'assurer que les sommes qui vont être prélevées sont les bonnes et que les prélèvements sur les salaires ont bien été faits", souligne Colin Bernier. Si les erreurs en défaveur de l'administration fiscale vous exposent à un risque de sanction (voir encadré), le contraire est tout aussi dommageable... Évidemment.

Ce sont ces nouvelles procédures qui vont demander le plus de temps aux entreprises et leur coûter le plus d'argent. Un rapport du Sénat a évalué le coût de mise en place de la mesure à environ 1,2 milliard d'euros la première année. Le coût récurrent serait ensuite de l'ordre de 100 millions d'euros. Car même si c'est la mise en place qui demandera la plus d'effort, il ne faut pas oublier que ces nouvelles procédures devront être mises en place tous les mois. Et que des changements de taux pourront avoir lieu toute l'année : changement de situation, employé au taux neutre passant au taux individualisé, etc.

Jean-François Cottin, expert-comptable et commissaire aux comptes, associé du cabinet Fideliance, craint que la mise en place soit encore plus compliquée que prévue. "En théorie il n'y a qu'à appuyer sur un bouton mais en pratique, ce sera plus compliqué", développe-t-il. Il est convaincu que les paramétrages des logiciels de paie ne permettront pas d'intégrer automatiquement les taux transmis par l'administration fiscale et que des saisies manuelles seront à faire. Pour ne pas être prises au dépourvu, les entreprises vont devoir se projeter en 2019 et imaginer quelles vont être toutes ces nouvelles tâches supplémentaires pour budgéter le coût supplémentaire mais aussi préparer les équipes, réorganiser les plannings et même embaucher si besoin.

La formation des équipes, également, doit être au programme, afin d'avoir une bonne vision de la réforme et de pouvoir dialoguer avec les différents interlocuteurs : éditeurs, gestionnaires de paie, DGFIP mais également salariés. "L'idée n'est pas qu'ils deviennent des conseillers fiscaux mais qu'ils puissent accompagner au mieux les collaborateurs tout au long de la mise en oeuvre de la réforme", explique Maître Vanessa Calderoni, avocat associée chez Taj. Pour ce faire, il peut être intéressant de bâtir une équipe projet afin d'identifier les tâches et les interrogations liées au prélèvement à la source. "L'objectif est de s'y mettre au plus vite afin de ne pas gérer cette mise en place dans l'urgence", précise Colin Bernier.

Lister les points d'attention pour s'y préparer

Se préparer au prélèvement à la source, c'est également se préparer aux éventuels dysfonctionnements liés à la réforme. De nombreux points d'attention existent, comme les salariés expatriés et impatriés, les contrats courts, les apprentis, etc. "Des situations particulières qui vont nécessiter une vigilance accrue de la part des entreprises, même si les logiciels sont censés les prendre en compte", note Béatrice Hingrand, directrice des rédactions des Éditions Francis Lefebvre et à l'origine d'un guide sur le prélèvement à la source. Pour les contrats courts, par exemple, un abattement d'un demi-Smic sera soumis au net fiscal. Quant aux apprentis, ils seront exonérés d'impôt jusqu'à un certain montant de salaire annuel, seuil qu'il faudra surveiller pour appliquer l'impôt en cas de dépassement. Les nouveaux salariés, également, vont poser problème : l'employeur devra appliquer un taux neutre le temps de recevoir leur taux. "La situation va devenir vraiment complexe lorsqu'un salarié changera de situation, voire vivra plusieurs événements consécutifs de nature à impacter son taux", renchérit Sophie Manacho, expert SVP en fiscalité et vie des affaires. C'est pourquoi les experts vous conseillent de cartographier toutes les situations atypiques.

L'année "blanche", également, doit faire l'objet d'attentions : en effet, les revenus de 2018 ne seront pas imposés pour que les contribuables n'aient pas à payer deux fois l'impôt en 2019. Mais il ne s'agit pas pour autant de verser des primes exceptionnelles non imposables à ses employés car l'administration fiscale sera très vigilante. "Les revenus exceptionnels imposables à l'impôt sur le revenu resteront imposés au titre de l'année de transition. Ce sera le cas par exemple d'une prime de départ à la retraite perçue en 2018. En revanche, une prime dès lors que son calcul et ses modalités de versement sont prévues par le contrat de travail pourra bénéficier de l'effacement d'impôt au titre de l'année de transition", explicite Stéphane Couderc. Les primes non prévues dans le contrat, si elles sont liées à l'activité et régulières, peuvent également échapper à l'impôt pour l'année de transition. Attention donc aux primes versées pour la première fois. Une notion de "revenus exceptionnels" qui intrigue, bien entendu, les entreprises et leurs salariés... "Sur ce point, il est difficile de donner une réponse générale car il n'existe que des cas particuliers", prévient Maître Christophe Leclère, avocat fiscaliste chez CMS Francis Lefebvre Avocats. De manière générale, il conseille, en cas de doute, de contacter l'administration fiscale, qui devrait se rendre disponible pour accompagner les entreprises dans ce grand changement.

Focus

Quels risques pour l'entreprise en cas d'erreur dans le calcul et la collecte de l'impôt ?

En devenant tiers collecteurs, les entreprises sont soumises à de nouvelles obligations dont les manquements peuvent être sanctionnés par des amendes. Par exemple, en cas d'erreur dans la collecte du prélèvement à la source, à savoir une omission ou une insuffisance liée à une assiette de prélèvement inférieure au revenu net imposable ou à un taux de prélèvement inférieur à celui transmis par l'administration fiscale, l'employeur est passible d'une amende de 5 % du montant de prélèvement à la source omis avec un minimum de 250 euros.

La checklist

- -s'assurer du bon fonctionnement de sa DSN

- -contacter son éditeur pour mettre en place une phase de test

- -définir une équipe projet chargée de suivre cette mise en place

- -budgéter les dépenses supplémentaires liées à la mise en place de la réforme

- -former et informer ses collaborateurs

- -mettre en place de nouvelles procédures

- -estimer le nombre d'heures supplémentaires nécessaires et embaucher le cas échéant

- -anticiper et lister les difficultés

- -contacter l'administration fiscale en cas de problème

Eve Mennesson

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