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[Interview] Nicolas Brien, CEO de France Digitale : " Les entreprises doivent être actrices des progrès sociaux "

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[Interview] Nicolas Brien, CEO de France Digitale : ' Les entreprises doivent être actrices des progrès sociaux '

Alors que les classes politiques débattaient encore fin 2020 sur la durée du futur congé paternité, plus de 350 entreprises françaises se sont accordées autour de la charte du Parental Act. Explications avec Nicolas Brien, CEO de de France Digitale.

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Début 2020, des entreprises se sont réunies autour du " Parental Act ", une charte qui propose une autre vision du congé deuxième parent. Vous pouvez nous en dire plus ?

Le Parental Act rassemble en effet plus de 350 entreprises signataires, parmi lesquelles Back Market, BlaBlaCar, Leetchi... Ces entreprises ont pris trois engagements autour de la création d'un congé deuxième parent. Premièrement, ce congé concerne donc le deuxième parent quel que soit son sexe et son statut. L'objectif est de pouvoir épouser tous les modèles de famille. Ensuite, ce congé se déroule sur au moins quatre semaines : c'est le délai minimal pour accueillir un enfant et ancrer des habitudes familiales équilibrées et équitables. Enfin, il doit être rémunéré à 100 %, car le critère financier ne doit pas être un critère déterminant pour être un parent présent.

Chez France Digitale, nous poussons pour que nos 1800 start-up s'emparent du sujet.

Quel est l'objectif ? De tendre davantage vers l'égalité femme-homme ?

Aujourd'hui on constate qu'il y a un déficit, un déséquilibre même, dans cette relation femme-homme au travail. Ce déséquilibre se traduit essentiellement par des inégalités salariales. Mais quand on en cherche la racine, souvent, on voit que tout prend son origine au moment de la naissance d'un enfant...

Le congé paternité en tant que tel ne suffit pas ?

Le congé paternité actuel est d'une grande brutalité. Il y a au total, mis bout à bout, 14 jours qui ne permettent rien. Ce laps de temps est extrêmement court ! De même, il débute à partir de la naissance de l'enfant. Or, il faut aussi prendre en compte l'avant-naissance : il faut que l'équilibre se fasse avant ce jour de la naissance. Le congé paternité a été pensé comme un moment où le père accompagne la mère. En réalité, on ne demande pas au père d'assister la mère, mais d'être à égalité dans son rôle de parent. Le Parental Act propose un changement radical de manière de voir les choses. Le père devient autant acteur de la parentalité que la mère.

Pourtant, dans son Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale 2021, le gouvernement prévoit d'en allonger la durée...

Le congé paternité ne doit pas seulement être allongé : il doit être aligné. Dans un monde idéal, congés maternité et paternité n'existeraient plus et chacun des parents auraient un congé parentalité de même durée.

La parentalité, c'est la recherche d'un équilibre des parents et de l'enfant à venir. Cet équilibre se trouve autant avant la naissance qu'après. Tant que le congé paternité sera inférieur au congé maternité, cela déséquilibrera de facto le couple, en repoussant sur les femmes un volume de charge mentale énorme.

Vous-même, vous avez expérimenté un congé paternité de six semaines pour la naissance de votre enfant. Quel est votre regard sur cette période ?

Je me suis senti incroyablement chanceux d'avoir six semaines pour apprendre à vivre avec ma nouvelle famille. Et je me suis aussi senti incroyablement désemparé le jour où j'ai dû retourner au travail alors que ma femme restait à la maison. J'avais l'impression de déserter : je laissais à la maison toute une charge de travail que j'aurais aussi dû accomplir.

Il s'agit donc d'un véritable progrès social à défendre ?

Pour les entreprises, cela équivaut à agir de manière citoyenne. Elles ne peuvent pas se contenter de regarder passer les progrès sociaux : elles doivent en être actrices. On doit aller vers une société où un père qui ne se rendrait pas disponible quand son enfant est malade serait regardé de travers par ses collègues. Aujourd'hui, ce n'est pas encore le cas.

A travers le Parental Act, les entreprises témoignent d'un certain nombre de valeurs qu'elles veulent porter dans la société. Oui, il faut se mobiliser pour le changement climatique, mais il ne faut pas oublier l'impact social que peuvent avoir les entreprises.

Le Parental Act comprend-t-il d'autres mesures fortes ?

Le Parental Act doit être vécu comme la première pierre d'une évolution de la culture managériale. De telles initiatives permettent d'envoyer des signaux très forts : les dirigeants montrent à leurs équipes que cette culture managériale s'adapte pour une meilleure prise en compte de l'équilibre vie pro-vie perso. D'ailleurs, ce que nous avons vécu avec le confinement doit servir de leçon.

Le télétravail, par définition, estompe la barrière entre la vie personnelle et la vie professionnelle. Les bons managers, ce sont ceux qui sauront s'habituer au télétravail et être en mesure de comprendre la vie familiale et personnelle de leurs collaborateurs, sans empiéter dessus. Le télétravail a, selon moi, la capacité de faire voler en éclats la culture du petit chef. Il nécessite, de la part du manager, de faire confiance, de ne plus être dans le contrôle direct des salariés.

Le télétravail permet retrouver une maitrise de son temps de travail au quotidien. Si je suis parent et que je dois me déconnecter à 16 heures parce que je dois aller chercher mon enfant à l'école (quitte à retravailler après le dîner), je peux le faire. Pour cela, il faut que le manager ait une culture qui favorise l'autonomie et qui permette ce genre de décisions.

S'agit-il d'accentuer également un droit à la déconnexion ?

Le droit à la déconnexion existe, certes, mais je suis frustré par les négociations interprofessionnelles en cours sur le télétravail. Ces négociations sont menées par des syndicats patronaux et des syndicats de travailleurs et elles n'aboutissent pas. L'une des raisons est qu'on n'a pas mis autour de la table toutes les parties prenantes. Cela aurait été intéressant d'avoir aussi des associations de parents d'élèves par exemple, ou des associations de transports publics... Car le télétravail va inciter à des rééquilibrages assez profonds entre vie familiale et vie professionnelle. Si les syndicats voient très bien de quoi on parle quand il s'agit de vie professionnelle, ils ne sont pas forcément les plus qualifiés pour parler de la vie familiale des salariés.

Retrouvez l'intégralité du dispositif sur www.parentalact.com

Nicolas Brien dirige l'association France Digitale qui réunit entrepreneurs et investisseurs de la tech française. Auparavant, il était directeur des études de Kantar-TNS Sofres et conseiller principal de Najat Vallaud-Belkacem (porte-parole du gouvernement français).
 
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