Les bureaux de La Défense désertés : un nouveau modèle est-il encore possible ?

Soixante ans après l'avènement des premières tours, La Défense connait une vague critique de désamour. Ce n'est pas la première, mais c'est la seule qui ne permette aucun retour en arrière. Depuis le Covid et la démocratisation du télétravail, le détachement des employés envers leur lieu de travail, et plus globalement l'entreprise, s'est aggravé. En 2022, 25% des 180 000 collaborateurs de La Défense ne sont pas revenus en présentiel dans leurs bureaux. Résultat : le quartier affiche un taux de vacance record : 15,60%, contre 3,3% à Paris intra-muros.

Les tours sont à moitié vides, le parvis déserté. Le symbole renvoyé par ces immeubles d'une verticalité d'un autre monde a l'effet d'un repoussoir sur toute une génération en quête d'un management plus horizontal, et force le premier quartier d'affaires d'Europe à se réinventer. Ainsi sont nés Les états généraux de la transformation des tours, où les entreprises et le quartier, main dans la main, réfléchissent ensemble pour être acteurs du changement et proposer un nouveau modèle qui réponde à la fois aux attentes des collaborateurs et aux enjeux climatiques.

Favoriser les échanges et la convivialité

C'est le supplément d'âme qu'elles ont perdu que les entreprises doivent retrouver pour ramener leurs salariés à elles. Les récentes études montrent que la vie d'une équipe et les relations humaines sont décisives pour donner envie de revenir sur site. Repenser les bureaux pour en faire des lieux de rencontre est désormais indispensable : pour être attractifs, ils doivent faciliter les échanges.

A ce jour, les équipes sont réparties dans les étages et la taille des zones de convivialité sont restreintes au regard du nombre de collaborateurs. Il est nécessaire de repenser les espaces de vie et leurs aménagements. La tendance du flex office (avec une réduction des surfaces et des coûts) doit s'accompagner d'une stratégie d'investissements dans des espaces de collaboration et de convivialité.

Faire du quartier un lieu de vie

Mais ce n'est pas suffisant pour inverser la tendance sur la durée. Pour réellement changer la donne, il faut que les salariés trouvent un avantage et un plaisir plus grand à se déplacer aux frontières de Paris plutôt qu'à rester chez eux. Plus qu'un espace de travail, La Défense doit ainsi devenir un lieu de vie. Au sein des tours d'une part, en offrant des services du type salle de sport ou conciergerie, et des espaces ouverts au public favorisant la mixité inter-entreprises et entreprises-habitants (restaurants, salles de séminaire ...). Au sein du quartier d'autre part, en développant son attractivité et son offre de services. Les états généraux de la transformation des tours, dont les résultats seront présentés en juin, ont exploré plusieurs axes, dont celui de la décarbonation et du changement d'usages.

Investir au côté de la ville

Pour échapper à la grande désertion, les entreprises sont invitées à s'investir dans des projets d'intérêt général qui favoriseront le bien-être de leurs collaborateurs et la vie du quartier. Et en effet, il est vrai que les locataires de La Défense ont un rôle décisif à jouer dans cette opération sauvetage, ainsi que de nombreuses cartes en main. Parmi elles : la possibilité de naturaliser leurs espaces pour offrir un cadre plus végétal aux collaborateurs, alors qu'un projet de végétalisation plus grand encore, de l'esplanade tout entière, est à l'étude.

Autres voies possibles : financer des projets à impact positif, comme l'électrification des parkings publics par exemple, ou encore promouvoir la mobilité douce. La Défense est actuellement en train d'améliorer son accessibilité en ajoutant des pistes cyclables. Les entreprises pourraient investir dans le projet pour s'assurer que la piste desserve leur bâtiment et offrir ainsi un confort de trajet à leurs collaborateurs.

Le défi est grand, le chantier l'est plus encore. Mais en réussissant cette transition, La Défense pourrait devenir un exemple de quartier d'affaires décarboné, à l'affût du bien-être de ses collaborateurs et de ses habitants. Non pas qu'elle ait le choix, mais c'est assez pour y trouver l'élan.

Marie Leonard est consultante senior au sein de Colombus Consulting. Diplômée de l'IESEG, elle intègre le cabinet de conseil dès la fin de son cursus pour accompagner principalement de grands groupes bancaires dans leurs projets de transformation et de réorganisation. Dans ce cadre, elle a pu développer une expertise des sujets de l'immobilier d'entreprise et de déploiement de nouveaux modes de travail.

Thomas Escoffier est manager au sein du cabinet Colombus Consulting. Diplômé de l'ICN Business School en 2017, il rejoint les équipes de Colombus en 2019 pour accompagner de grandes organisations des secteurs bancaire et public dans leurs projets de transformation. Dans le cadre de ses différentes missions, il a pu développer des expertises en gestion de projet, conduite du changement, immobilier d'entreprise, carbone et nouveaux modes de travail.