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Entreprises cherchent talents désespérément

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red leader businessman with crowd of wooden men. leadership, business, team, tea
© Jo Panuwat D - stock.adobe.com
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Le livre « Les (bons) mots du travail » l'auteure Delphine Jouenne nous invite à questionner le sens des mots des ressources humaines, afin d'en comprendre les sous-jacents et d'en faire le ciment d'un nouvel élan collectif dans les entreprises. Pour Be a Boss, elle revient sur l'un des mots de l'ouvrage : Talent.

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Guerre des talents, attirer des talents, jeunes talents... de plus en plus nombreuses sont les expressions du monde du travail intégrant la notion de talent. Mais qu'est-ce au fond un talent ? Qu'est-ce qui conditionne l'émergence du talent ? Une étude publiée le 13 novembre 2023 par l'EM Normandie intitulée "Talent d'Achille : pourquoi les cadres ne croient pas en leur talent" met en évidence l'ambiguïté d'un terme créé aux Etats-Unis, à la fin des années 90 et la différence de perception en cadres et cadres dirigeants. Une différence de compréhension qui peut devenir un frein à la détection et à la fidélisation de ces talents.

En Ancien français et jusqu'au XVIe siècle le mot prend le sens d'humeur, d'état d'esprit puis désir, volonté. Le sens moderne, « aptitude remarquable intellectuelle ou artistique », est arrivé plus tardivement. Le mot talent figure à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Le talent sert alors à légitimer de « justes inégalités » contre les inégalités injustes, transmises héréditairement.

Le talent, c'est cette tension entre mérite et inégalité. Comment faire fructifier les dons qui ne nous sont pas donnés si seul l'effort ne suffit pas ? Le talent est une combinaison de qualités, un bon dosage de hard skills et de soft skills tout en prenant en considération un contexte... La notion de kairos n'est jamais très loin. Le talent crée donc une inégalité de départ entre celui qui est doué et celui qui ne l'est pas. C'est ici également que rentrent en jeu les notions d'artiste et d'artisan puisque l'artisan reproduit et peut sans cesse apprendre en démultipliant ses efforts. L'artiste au contraire se distingue. Si son apprentissage initial nécessite un travail de reproduction, le talent lui permettra de s'en échapper. Le talent ne se mesure pas et s'identifie rarement préalablement. Il faut être au contact du talent pour pouvoir le déceler.

Entre l'inné et l'acquis

Des recherches récentes ont montré que l'entraînement volontaire ne peut être qu'une des clés d'explication du talent. À temps de travail égal, le niveau de compétences ne sera donc pas forcément le même, la réussite en découlant. Par exemple, un musicien pratiquant assidûment et volontairement aura très certainement un excellent niveau mais pourra être moins performant qu'un musicien s'entraînant moins.

On peut alors en déduire que de nombreux facteurs comme l'éducation générale, la formation musicale, les rencontres, l'ambiance artistique... interviennent dans l'éclosion et la manifestation du génie. L'entreprise est confrontée à un double enjeu : recruter et fidéliser. Aujourd'hui elle met en place des politiques de talents pour conserver et attirer les hauts potentiels, ces collaborateurs sur lesquels on mise. Il y a bien une forme de pari dans cet enjeu car il faut être en mesure de détecter un je-ne-sais-quoi qui est en devenir.

On peut donc passer à côté ou miser juste. On nous dit aujourd'hui que tout employé peut être un talent encore faut-il être en mesure de le détecter et de pouvoir accueillir ce talent et le faire fructifier. Les entreprises, en fonction de leurs moyens, ne sont pas toutes en mesure de pouvoir y répondre.

Alors, même si nous avons conscience du contraire, devons-nous agir comme si nous étions tous égaux afin d'entretenir cette valeur fondamentale de la méritocratie ? Devons-nous entretenir les rêves de chacun en estimant que nous pouvons tous être reconnus comme un talent de l'entreprise ? C'est un mythe que de faire croire que nous pouvons tous évoluer de la même façon en y mettant du temps et en faisant les efforts nécessaires, avec pour conséquence de faire croire que ces efforts n'ont pas été suffisants pour réussir. Chaque citoyen a des capacités et des besoins différents, le rôle de la société et des entreprises est de l'aider à trouver sa juste place, sa digne place.

Pour cela, les entreprises ont un levier précieux à activer : celui de l'authenticité, une valeur menacée par les processus rationnels mais également par la prolifération des opinions et des images. Un talent peut se révéler à travers un cadre authentique qui lui permet d'être libre

: libre dans ses opinions, libre dans ses choix, non impactés par les sur-sollicitations ambiantes qui affaiblissent son jugement. Et si finalement le retour à l'authentique, tel que nous l'imaginons, passait par la simplicité, cette résonnance avec soi laissant libre cours à ses sens, son intuition, ses émotions et son imagination ? Face à une société qui évolue, il est urgent de prendre le temps de revenir à ce que nous sommes. Talentueux...ou pas.


Delphine Jouenne, cofondatrice d'Enderby, cabinet de conseil en communication et influence et essayiste, auteur de « Démostalgie : de la rupture du citoyen avec le politique » (mars 2023) et « Les (bons) mots du travail » (octobre 2023)


 
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