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Vers une refonte de la relation de travail post Covid ?

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Vers une refonte de la relation de travail post Covid ?

La crise du Covid a profondément changé le monde du travail, le télétravail étant devenu désormais un mode normal du travail. Cela a amené les employeurs à s'interroger sur les clauses du contrat de travail, voire à refondre ces derniers.

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Le télétravail et le travail dit « nomade » posent des sujets à gérer et à anticiper pour les DRH : suivi de la durée du travail, discipline, respect de l'obligation de santé et de sécurité, modalités d'utilisation des équipements, prise en charge des frais, voire régime de sécurité sociale applicable ou loi applicable... autant de questions qui peuvent, ou non, donner lieu à des clauses spécifiques dans un contrat de travail. On pourra même se demander si le périmètre de mobilité peut être encadré puisque la cour d'appel de Versailles a récemment validé le licenciement d'un salarié qui avait déménagé en Bretagne (sans en informer son employeur), alors que sa résidence et son lieu de travail étaient basés jusqu'à présent en région parisienne(1).

Généralisation du travail à distance et contrat de travail

Zone grise par excellence, il est donc impératif d'encadrer le télétravail au niveau de l'entreprise par accord collectif ou, à défaut, par une charte élaborée par l'employeur (après avis du comité social et économique s'il existe). Ces supports pourront permettre d'alléger la contractualisation des éléments de télétravail, même si le contrat de travail est en pratique un format utilisé pour décliner individuellement le télétravail et préciser ses contours : clause de réversibilité (organisant le retour à une situation sans télétravail), modalités de contrôle du temps de travail (plages de contacts) et organisation du télétravail dans la semaine, régulation de la charge de travail, etc.

Pour les contrats de travail conclus avant le 23 septembre 2017 et prévoyant des stipulations relatives au télétravail, il est même prévu que les dispositions de l'accord collectif ou de la charte sur le télétravail se substituent aux clauses du contrat contraires ou incompatibles. Si le salarié peut faire connaître son refus à l'employeur dans le délai d'un mois à compter de la date à laquelle l'accord ou la charte a été communiqué dans l'entreprise(2), cette procédure permet de soulager grandement la refonte des contrats.

Quand le télétravail est accompli depuis l'étranger, il est difficile d'éviter la conclusion d'un avenant tant l'extranéité de la situation bouleverse la relation de travail, même si cela est rarement anticipé par les parties : il faut déterminer la loi applicable, le régime de sécurité sociale (à défaut de détachement véritable), s'assurer de la régularité de mobilité au regard de l'immigration, prévoir le décalage horaire, les déplacements, etc.

D'autres sujets ne pourront en revanche être traités par les contrats. Ainsi, même si l'accident survenu sur le lieu du télétravail pendant l'exercice de l'activité professionnelle est présumé être un accident du travail (3) (justifiant le contrôle de conformité du domicile et donc une clause à cet effet valant autorisation d'accès du salarié), les moyens et procédures mis en place pour respecter l'obligation de santé et de sécurité sont prévus par des supports autres que les contrats de travail (procédures internes, DUERP, charte et accord collectif). L'isolement lié au télétravail doit être anticipé parmi les autres risques psychosociaux.

De même, face à un salarié de plus en plus autonome, comment lui donner des directives, le contrôler, le sanctionner ? L'impact de l'éloignement sur la discipline ne peut pas être prévu par le contrat et seules les modalités de reporting pourront être organisées.

Contexte post-Covid et rupture du contrat de travail

Si les contrats de travail ont tendance à s'allonger, il est constaté, peut-être à la faveur de la revue des contrats pendant le Covid, que les entreprises ont recours aux clauses restrictives (ex : non-concurrence, non débauchage, non-sollicitation, etc.) de manière beaucoup plus prudente et plus sélective, surtout pour celles qui demeurent ou entrent en vigueur à la rupture du contrat de travail.

La jurisprudence ayant rattrapé la liberté contractuelle en fixant des conditions toujours plus strictes protégeant ainsi les libertés (le plus souvent du salarié), les employeurs jugent désormais l'utilité d'une clause au regard du poste occupé et de la possibilité de mettre utilement en oeuvre (et sans risque) la clause.

Ainsi, lorsqu'un salarié est titulaire par ailleurs d'un mandat social, la clause de non-concurrence n'a pas d'intérêt à être prévue dans le contrat de travail. Elle est alors rattachée au mandat social, dispensant l'employeur de payer une contrepartie financière.

D'ailleurs, les clauses de non-concurrence ne sont plus automatiquement prévues par les employeurs : trop de risques quant à la procédure de levée (ex : non vérification du contrat, oubli dans la lettre de licenciement ou le formulaire de rupture conventionnelle, non-respect du délai) et, le cas échéant, pour une effectivité relative (obligation d'engager un contentieux en non-respect, problèmes de constitution de preuves, etc.).

Quant à la clause de non-sollicitation de personnel, son régime a récemment été rapproché de celui de la clause de non-concurrence : l'interdiction de débaucher le personnel doit être proportionnée aux intérêts légitimes à protéger compte tenu de l'objet du contrat commercial(4). A quand une contrepartie financière ?

Enfin, si à l'embauche l'employeur et le salarié ont convenu, en cas de différend, de recourir à la médiation préalablement à toute saisine du juge (clause dite « de médiation » ou « de conciliation » ou de « différend »), une telle clause n'empêche pas les parties de saisir le juge directement, la première audience obligatoire devant le conseil de prud'hommes étant celle de conciliation et d'orientation, vidant ainsi de sens les clauses de médiation(5).

Le « monde d'après » rend tout de même utopique un contrat de travail simple, sans atteindre le niveau des contrats anglo-saxons.

Pour en savoir plus

Sophie Marinier est associée du cabinet LPA-CGR Avocats et spécialisée en droit du travail. Elle accompagne principalement des sociétés du secteur pharmaceutique, bancaire et du retail et a également développé une expertise particulière dans la gestion des dossiers internationaux, notamment en matière de mobilité et de harcèlement dans des contextes internationaux.

Mais également

Marjorie Goislard est collaboratrice du cabinet LPA-CGR Avocats. Elle intervient en droit social principalement auprès d'entreprises du secteur industriel, du commerce et de la distribution.






[1] CA Versailles, 10 mars 2022, n°20/02208

[2] Ord. 2017-1387 du 22-9-2017 art. 40, VII

[3] Article L.1222-9 III al.3 du Code du travail

[4] Cass.com. 27 mai 2021, n°18-23.261 et 18-23.699, FS-P

[5] Cass. soc., avis du 14 juin 2022, n° 15006 P+B

 
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